samedi 10 mars 2012

Ernest Pepin et les romans antillais au salon du livre Paris 2012




«  Plus de solidarité,  plus de fierté pour défendre notre littérature antillaise »


Alex J. URI. Ernest Pepin,  vous êtes  écrivain, poète  guadeloupéen avec des publications  chez Gallimard ainsi que  d’autres maisons d’édition en métropole. Aujourd’hui, vous  publiez  La Darse Rouge un policier antillais à Caraibeditions. Il y a-t-il  là un changement d’orientation ?

Ernest Pepin. J’ai surtout voulu aider une maison d’édition qui se trouve en Guadeloupe. Elle m’a sollicité et j’ai eu le souci de l’épauler. Les grandes maisons parisiennes ont leurs rôles, leurs préoccupations. Elles ne doivent pas gêner les éditions régionales qui, elles, permettent une parole de proximité.

Alex J. URI. L’exploitation des faits divers a trouvé sa dimension en Europe et dans les pays anglo-saxons. Peut-on dire que cette culture antillaise est prête à s’enrichir de  sa chronique judiciaire ? La Darse Rouge  marque-t-il une nouvelle étape de votre carrière  car vous avez publié  deux romans en 2010 et en 2011 Toxic Island et Le Soleil Pleurait.

 Ernest PEPIN .Je ne vis pas cela comme un changement ! Tout le champ de la littérature appartient à tout le monde !  La culture antillaise ne peut s’exclure du roman policier ! Il y a des meurtres chez nous aussi ! Le roman policier est un  formidable outil littéraire pour analyser, décrire une société. C’est aussi une écriture particulière. A nous d’en faire un outil au service de notre imaginaire et de notre réel !

Alex  J. URI. J’en profite pour vous demander si vous percevez   votre  roman Toxic Island comme un échec ?
Toxic  Island est loin d’être un échec pour moi ! C’est par contre une douleur ! Une douleur parce que j’ai vu ce roman être épuisé dans un temps record sans que la réédition se fasse dans les mêmes délais. Ceux et celles qui ont eu la chance de l’avoir l’ont apprécié ! J’espère que sa carrière pourra continuer dans de bonnes conditions ! Cela dépend de l’éditeur

Alex J. URI .Dans le Soleil Pleurait vous soulignez votre attachement à Haïti. Pourquoi Haïti ? Comment expliquez vous que certains romanciers haïtiens reçoivent plus d’écoute en métropole que certains écrivains Martiniquais ou Guadeloupéens
Ernest  Pepin. Haïti m’a été légué par Aimé Césaire ! En dépit de ses malheurs et de ses difficultés, j’y tiens et j’y suis fidèle sans idéalisation aucune. Seule la lucidité est digne ! La France, fonctionne par des choix liés à tout un contexte global. Haïti est une question complexe pour la France. Le séisme a donné un  coup d’accélérateur à cette problématique. Dès lors, les portes se sont ouvertes. D’autres talents ont eu leurs chances. C’est tout l’Etat qui veut promouvoir Haïti. Je ne vais pas le déplorer même si notre littérature de Guadeloupe et de Martinique mérite plus de considération. Il y a en réalité un fossé entre le lectorat français et l’émission d’une littérature antillaise.



 Alex J. URI  est rédacteur en chef à la direction régionale de l'Information  à France Télévisions


dimanche 4 mars 2012

Une déesse dans la mangrove







Une déesse dans la mangrove

Quelques cocotiers impériaux disparaissent
Dans la pénombre avalant la nature.
La messe du jour est dite mais perdure.
Quelques fantômes hébétés apparaissent

Les ténèbres sont là, la lune s’est levée.
Comme le soleil, les gallinacés se couchent.
La fatigue pèse, des femmes accouchent.
Des oraisons rythment le ballet des ravets.

La noirceur élégante embellit la laideur
Les bruits repoussent le silence cafardeur
La lune saupoudre ses reflets argentés,

   Sur deux ombres qui se parlent et se caressent.
Dans la mangrove, jouissant de l’obscurité
Deux noix de coco font tomber la déesse.


Alex J. URI
3 mars 2012
@ Alex J. URI 2012 une déesse dans la mangrove

vendredi 2 mars 2012

L’aéroport du Retour-au-Paysnatal

L’aéroport du Retour-au-Paysnatal

Ma Sapotille,

Je suis à l’aéroport Retour-au-Paysnatal. Je tremble à l’idée que vous ne viendriez pas m’accueillir. J’ai pourtant l’impression de voir au loin danser votre silhouette dans une foule colorée qui s’approche et reconnaît déjà les siens. Me voilà partageant des effusions, me voilà objet de sourires et de joies, me voilà à l’écoute de mots pleins de douceur. Respire. Me voilà au contact de lèvres et de joues qui ne m’attendaient pas, me voilà enlacé par des bras qui ne veulent plus me lâcher, me voilà avec épaules devenues mouchoirs pour des larmes si chaudes. Silence. Me voilà dans un choc de poitrines gonflées d’émotions, me voila collé à un corps que je dois désormais apprivoiser, me voilà retrouvant mes bagages pour aller dans notre maison en tôle. Bonheur.
Je suis envahi par cette chaleur qui, comme vous, m’enveloppe. Je ressens cet air chaud qui me fait transpirer. J’ai l’impression d’être reconnecté à mon nombril enterré quelque part sous le vieux manguier de la dame près du château d’eau. C’est cela retrouver la terre natale, la terre qui m’a nourri pour me faire exister et pour vous irradier.
Mes vibrations s’infiltrent en vous, cheminent avec les vôtres et vous en êtes possédées .Je pense à vous en m’ agenouillant sur cette terre qui a entendu mon premier cri. Je veux, que ce cri qui est en moi raisonne dans votre forêt. Je veux, que cette forêt s’anime de tous les cours d’eau qui explosent à l’embouchure. Je veux, que les cieux s’en mêlent et que les orages et les averses s’apprêtent à rythmer notre rencontre effervescente et folle.
@ Alex J.URI 2012 Ma Sapotille l’aéroport du Retour
-au-Paysnatal