Les confessions du Père Joseph
« Dans nos îles, face aux violences qui nous
étreignaient, nous devions garder notre lucidité et trouver le chemin du
recueillement pour comprendre.
Des vies étaient fauchées comme si quelque chose avait forcé leur destin. Le
fatalisme, la résignation, la croyance en Dieu ne suffisaient pas à nous apporter des éléments de réponse
qui rassuraient. Il y avait là, me semble-t-il , des erreurs de diagnostic.
Notre raisonnement était basé sur le fait que notre île était paradisiaque, que
c’était une oasis du Bien. Or les crimes commis devenaient inattendus,
spectaculaires et effrayants.
Père JOSEPH avait les oreilles du confessionnal. Les fidèles
avaient déserté progressivement l’église
mais quand il fallait s’alléger du fardeau des péchés, les croyants
retrouvaient les vieux réflexes salvateurs. Le curé découvrit alors que la
sorcellerie était ancrée dans les mœurs
d’une société néocoloniale. Sans
jouer aux psychiatres, on occultait un fait essentiel, celui que le Mal avait
lui aussi son don d’ubiquité.
Il y avait une souffrance qui s’habillait et se déguisait.
Elle venait de cette violence des rapports
conflictuels dans les domaines de la culture, de l’économie et de la
politique. Ce contexte favorisait les fragilités, les instabilités et un
terreau pour une détresse créole. La
religion devenait une protection contre la détresse, le quimbois aussi.
Selon « Padre »Joseph, la quimboiserie était en
plein essor. Des familles s’y adonnaient
pour briller dans une logique de
compétition malsaine, de jalousie, de
haine. Les comportements se révélaient aussi pervers que les effets de la mondialisation qui faisait imploser ces sociétés apparemment
modernes mais profondément ancrées dans un
néocolonialisme viral.
C’est donc ainsi que les âmes se déstructuraient et que le
corps social se délitait
Nos sociétés surfaient sur des crises comme sur des vagues et
dans la tourmente, nous vomissions nos méchancetés.
L’homélie du curé s 'apparentait à un appel au secours. La
vigilance s’imposait alors pour le
respect de nos identités et de nos libertés.
Nous devrons, sans aucun doute, prier ensemble quand c’est
possible, pour réparer les âmes qui partent à la dérive et retrouver ainsi la
paix dans le tréfonds de notre inconscient collectif.
Extrait de Les rêveries tropicales d’Alexander by Alex J. URI
Paris le 19 novembre 2014
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