mardi 7 octobre 2014

La peau d'ébène










La peau d’ébène




Alexander était devenu comme un de ces animaux à qui il ne manquait que la parole pour exprimer, avec des gestes émouvants, à Anjika un amour qui avait le secret du fœtus. C’était un amour qui avait déjà un prolongement utérin, alors même qu’une étreinte de leurs corps ne résultait que de ses fantasmes ailés et enrichis au fil des jours.

L’esprit d’Alexander n’avait aucun mal à habiller l’âme d’Anjika de corps élégants d’indiennes qui avaient fleuri dans son environnement géographique et familial. Ces jolies jeunes filles coolies emprisonnaient son cou de leurs nattes pour l’embrasser derrière le manguier. 

Le désir d’avoir dans ses bras Anjika devenait envahissant, parce que la distance qui les séparait, rendait toute effusion chimérique. Alors, doté d’une imagination féconde, Il la représentait comme il la voulait pour faire naître en lui une sensation qui l’enivrait.

Sa peau avait besoin d’être nourrie et apaisée par les caresses des mains énergiques et douces mais aussi par les baisers exotiques au goût de mangue et de banane d’Anjika.

Madame la Déléguée, un tantinet prétentieuse se prenait pour la fille d’un maharajah, alors que sa famille, comme tout le monde, avait fait partie des anciens engagés d’Asie ou d’Inde souvent maltraités sur les plantations de canne à sucre. Les temps avaient changé, les hommes…et les femmes aussi.
Aujourd’hui, Madame se rendait presqu’inaccessible aux hommes qui lui rappelaient sa peau d’ébène. Elle avait donc épousé un blanc du continent, prenant soin d’éviter le blanc créole au passé colonial, à ses yeux, beaucoup trop lourd et embarrassant.
L’espoir de se sentir enlacé par sa princesse du Bengale obligeait Alexander à embellir un personnage qui lui inspirait parfois du dégoût, lui si fier de ses origines afro-indiennes.
L’attitude d’Anjika lui provoquait parfois des aigreurs d’estomac car elle s’arrangeait pour le garder à distance. Elle multipliait les prétextes pour ne pas le voir sans jamais rien dire et sans jamais répondre à ses messages pourtant courtois. Elle se refusait d’être humaine pour mieux ressembler à l’ancien colon et rejeter d’éventuelles sollicitations amoureuses d’Alexander.

Puisqu’ il ne pouvait pas y accéder, Alexander voulait la conquérir comme dans la jungle. Elle avait fait renaître en lui des réflexes de chasseur ainsi que ceux d’une bête affamée qui rôdait aux alentours en attendant sa proie.

Avec des mots qui se bousculaient dans sa tête, il avait des particules qui bombardaient sa carapace. Alors, Alexander se transformait et voulait être le siège d’une résurgence sortie d’une montagne qui ne se dévoilait pas.

Les rêveries tropicales d’Alexander by Alex J. URI 
Paris le 12 février 2014

"Toute ressemblance avec des personnes ou situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »


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