lundi 12 septembre 2011

ERUPTION




ERUPTION

Un cauchemar un jour me perturba la nuit.
Mon lit à baldaquin flottait  sur un volcan.   
Mon front perlé de sueur, j’étais sur  un boucan
et des vapeurs  s’échappaient  tout au fond d’un puits.

 Sur un tapis volant, je vis donc les flammes
Qu’éructaient  les entrailles de  l’archipel.
Me prosternant pour lancer à Dieu mon appel
Un séisme  ébranla  les  murs et les âmes.

Nos îles les plus saintes, comme des barges
dérivant  près des côtes ou vers le large,
furent englouties et le cratère  jaillit.

Ainsi, les laves giclèrent, incandescentes.
Me voilà pris dans un hammam en descente.
Mais, ô miracle !  La nouvelle terre  m’accueillit.

Alex  J. URI
12 septembre 2011




samedi 10 septembre 2011

RAFALES


Rafales

Réveillée par le vent, hurlant sa vaillance
Je mets le nez dehors et mes narines  gonflent.
La mer  ébouriffée vomit et se dégonfle.
Des cumulonimbus charrient des turbulences.

Sous un  ciel armé   de violentes rafales
Dans mon île embouteillée tout s’entasse.        
Sur  les flots , les barques boivent la tasse.      
Ma  robe déchirée, dans la rue je m’affale.

L’onde tropicale   change de visage,
frappe avec rage    arbres et   rivages.
Dans l’œil du cyclone, les cases s’angoissent.

A colmater les brèches , les secours s’essoufflent
L’ouragan explose  murs  et  paroisses.     
Les victimes d'Hugo ont retenu leur souffle.
                                                                                                      


Alex J. URI

 Paris le 10 septembre 2011

L’ouragan Hugo de 1989 est considéré comme le plus violent cyclone tropical qu'ait subi les Antilles depuis que des observations scientifiques sont réalisées. L'ouragan de catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson  a tué plus de 100 personnes et fait 56 000 sans abris dans les îles de la Guadeloupe,  Montserrat, Puerto Rico, Sainte-Croix (Virgin Islands) et dans les Etats américains de la Caroline du Sud et de la Caroline du Nord.
Tout a commencé par une onde tropicale Issu d'une onde au large de la côte africaine le 9 septembre . La tempête se dirige  alors  vers l'ouest et devient une tempête tropicale le 11 septembre et  le 13,deux jours plus tard, un ouragan . En moins de quatre cette onde se transforme en un monstre de la nature prêt à se déchaîner. Hugo atteint son intensité maximale  dans les Antilles et réussit à atteindre les terres Caroline du Sud avec encore la force d'un ouragan de catégorie 4. Les dommages qu'il a causés ont été considérables.  Il ont été évalués à 10 milliards $US en 1989 (soit 16,3 milliards $US en 2006),  ce qui est beaucoup plus dévastateur que l’ouragan Andrew en 1992. Suite aux dégâts et aux morts causés, l’Organisation météorologique mondiale a rayé le nom d’Hugo des futures listes de noms pour les ouragans du bassin atlantique. 

jeudi 8 septembre 2011

TRANSFUSION by Alex J. URI






 

Transfusion

Ton sourire m’a  infecté de nostalgie
Sous la pleine lune qui m’enveloppe.
Dans mon cœur une anémie se développe
Mais rien  ne vient à bout  de cette névralgie

Ma vie n’a plus  de sens  en ton absence.
Quand reverrai-je tes lèvres qui m’empoisonnent ?
Dans ma tête, toutes ces musiques raisonnent
Et je veux, de ton corps,  retrouver la cadence.

Tu es  entrée dans mon système immunitaire.
J’ai perdu mes  défenses en solitaire
Mais  ton rire provoque ma délivrance.

Baisers,  caresses, tendresse, sous perfusion
Dans la maison en tôle, c’est toi, mon ordonnance
Sous la pluie diluvienne,  je jouis d’une transfusion.
Alex J. URI
Paris, le 7 septembre 2011





jeudi 1 septembre 2011

Les lolos en péril de la Guadeloupe

LES LOLOS  EN PERIL DE LA GUADELOUPE

Alex J.  URI. Comment ont pu naître les lolos ? D’ailleurs pourquoi ce nom lolo ?
Michelle MAKAIA-ZENON.Le lolo, c’est d’abord le magasin du maître sur les habitations car il lui était fait obligation de nourrir ses esclaves.  A une période, ce magasin a été tenu par un esclave de confiance. Plus tard, il devient le Débit de la Régie.


C’est par un désir d’ascension sociale que les femmes se l’approprient. Le maître pouvait donner un jour par semaine à ses esclaves afin qu’ils entretiennent un jardin créole et ainsi pourvoir à leur alimentation. En contre partie, le maître n’avait donc pas à les nourrir. C’est ce surplus que les femmes commencent à vendre de case en case, puis à le mettre en vente devant leur petite case, dans un tray (1), sur un tabouret ou un banc.
On vendait ce que l’on avait, et par lots d’où le mot lot-lot, puis lolo (car il n’y avait pas de balance). Les produits vendus étaient essentiellement ceux du jardin créole : patate, haricots, tomate, piments, citron, corossol, …
Plus tard, une pièce de la maison sera réservée à la boutique et l’autre, à la buvette.
La buvette est un espace réservé aux hommes. Ils jouent aux cartes, aux dominos. Ils refont le monde. Ils sont au fait des sujets d’actualité et … méfions-nous, cé pa on bouèt a ronm. Des personnalités importantes fréquentent les buvettes et conduisent leurs connaissances de passage au pays. Rares sont les femmes à être acceptées dans la buvette, il faut connaitre les codes et surtout les respecter. J’ai eu à rencontrer dans certaines buvettes de lolos, des cinéastes allemands, des ambassadeurs, des chefs d’entreprise étrangers. (L’espace buvette, j’aime) !

(1) Plateau en bois aux bords relevés, de 90 cm de côté



Alex J.  URI.  Dans l’archipel guadeloupéen,   vous êtes, semble-t-il,  la spécialiste du lolo ? Est-ce vrai ?
Michelle MAKAIA-ZENON.  Ooh ! Je porte tout simplement ma modeste contribution à un espace qui a marqué mon enfance, mon adolescence, ma vie professionnelle et ... mon pays
Alex J.  URI. Comment fonctionnait le lolo ?
Michelle MAKAIA-ZENON. Le lolo et le quartier, là où il se trouve implanté, ne font qu’ un. Il s’adapte à son environnement : urbain ou rural, en bord de mer ou en campagne, pauvre ou en en rénovation.Ses trois points forts sont la vente au menu détail, la proximité et la vente à crédit.A côté de ces atouts économiques, il y a une approche sociale incontournable, indéniable : c’est la solidarité, l’entraide, la cohésion sociale, le désir de s’élever et d’entraîner les autres vers cette ascension. Pour cela une règle, respecter sa parole : payer son crédit.Quelques exemples d’entraide : la tenancière se réveille la nuit pour donner tous les produits nécessaires pour une veillée mortuaire, elle verra après pour le paiement. Elle est capable d’enlever de son tiroir caisse de l’argent pour que la lycéenne paie le transport en commun afin de se rendre au lycée, elle sera payée à la fin de la récolte ou quand les crabes ou les cocos ou les madères ou que sais-je … seront vendus. Elle remplit des documents administratifs, elle distribue de l’eau de sa citerne, elle conduit des voisins à la messe  ou en ville.La tenancière est quelqu’un d’incontournable dans un quartier.

Alex J.  URI. Comment définissez-vous cet espace ?
Michelle MAKAIA-ZENON. « Le lolo est un petit commerce de proximité, d’une trentaine de mètres carrés en moyenne, vendant au détail des produits alimentaires prioritairement et, accessoirement des produits d'entretien et de bazar. L'assortiment est relativement "large et peu profond"[2]. Le nombre total de références est restreint. La méthode de vente pratiquée est traditionnelle c'est-à-dire la présence d'un vendeur derrière un comptoir (bien que pour quelques rares produits le libre- service soit pratiqué). Le tenancier peut également vendre tous les produits du jardin ou de la mer, en état ou transformés, et tenir une buvette qui lui procure en général plus d'un quart du chiffre d'affaires total ». Outre sa dimension commerciale, le lolo est un haut lieu de participation sociale, de communication, d'échanges, de cohésion sociale et d'observation où règne une ambiance saine et chaleureuse.
(2)La largeur est relative à l'amplitude des besoins satisfaits et la profondeur, au nombre de produits pour chacune des références.
Alex J.  URI. Pourquoi vous défendez autant le petit commerce de proximité qu’est le lolo ?
Michelle MAKAIA-ZENON. Je n’ai pas l’impression de le défendre. Je souhaite que chacun prenne conscience de son importance et du rôle véritable qu’il a joué et qu’il peut encore jouer. Vous savez, je suis née dans un quartier en construction dans les années 60. J’ai vu et j’ai vécu le pays à travers cet espace qui a fortement marqué ma propre construction.Avant d’être un point de vente, le lolo est un espace social, un lieu où se vit la solidarité, un pan du patrimoine matériel et immatériel de la Caraïbe. Il est lié au jardin créole, héritage des amérindiens. Il est le trait d’union entre le maître et l’esclave par le biais du magasin de l’habitation. Il a influencé notre mode alimentaire qui en a été fortement marqué : dombrés, haricots rouges, salaisons, morue … N’oublions pas que le code noir imposait aux maîtres de nourrir ses esclaves. Le lolo n’est donc pas un simple lieu de vente, c’est une page importante de l’histoire de la Guadeloupe, de notre mémoire collective.
Alex J.  URI. Quel  l’impact social ou philosophique du lolo ?
Michelle MAKAIA-ZENON. Comment expliquer que des gens qui ne vivaient que de transferts sociaux, de modestes revenus de jardins créoles, de quelques animaux domestiques : poules, cochons, bœufs ; qui avaient 6, 8, 10 enfants, aient pu envoyer leurs enfants faire des études en France, aient pu construire ou améliorer leur habitat ? Je crois que nous avons l’art de détourner les difficultés et d’en faire des atouts, des armes (quand nous le désirons). Le lolo, c’est tout cela...

Michelle MAKAIA-ZENON

Alex J.  URI. N’est-ce pas utopique de vouloir défendre le lolo quand tous les clients aspirent et vivent dans la modernité ?
Michelle MAKAIA-ZENON. L’un ne gêne pas l’autre. Dans le cadre du concours de projet organisé par cyber-elles, je viens de proposer une version e-commerce du lolo : le e-lo. Ce projet a reçu le prix Coup de cœur du Jury. Il faut vivre dans le présent, sans oublier d’où l’on vient tout en se projetant dans le futur. C’est la vie. 
Alex J.  URI. Comment expliquer ce type de lolos ait perduré  à l’époque malgré la force de pénétration des supermarchés et des hypermarchés ?
Michelle MAKAIA-ZENON. Je pense parce qu’il existe encore des difficultés d’ordre économique et social. Je crois également que la population vieillit, elle a besoin de proximité et de sécurité. Le lolo répond encore à ses préoccupations. Et puis, on y a va pour acheter des produits de dépannage, donc il répond à un véritable besoin.
Le comptoir est la pièce maîtresse du lolo, ce n’est pas qu’un espace de transaction. C’est un lieu de pouvoir. C’est le trait d’union entre clients et tenancière, entre le monde visible et le monde invisible, entre  le vrai et le magico-religieux.
Alex J.  URI. Représentent –ils le dernier bastion des fonds commerce d’origine ?
Michelle MAKAIA-ZENON. Les Guadeloupéens sont très réactifs et très créatifs. Comptez sur eux pour rebondir !
Alex J.  URI. Il y a-t-il là une richesse  qui change de main et/ou un tissu sociologique qui se déchire avec la mondialisation ?
Michelle MAKAIA-ZENON. Les tenanciers de lolo n’ont pas fait fortune dans cette activité commerciale. Ils ont vécu tout simplement avec plus de dignité, sans attendre, sans tendre la main. Cependant, ils ont pu investir, acquérir des biens immobiliers (terrains, maisons, fond de commerce), aider leur(s) famille(s), répondre des crédits ou être caution solidaire pour des proches. Aujourd’hui beaucoup de jeunes guadeloupéens investissent et s’investissent dans les affaires. Ils sont diplômés et ont du talent. C’est une autre page du business guadeloupéen qui s’écrit.
Alex J.  URI. Où peut-on trouver les derniers lolos ?
Michelle MAKAIA-ZENON. On en trouve dans toutes les communes de Guadeloupe, plus dans les campagnes que dans les villes, mais ils résistent encore.
Alex J.  URI. Avez-vous d’autres thématiques qui vous passionnent ?
Michelle MAKAIA-ZENON. Bien sûr ! Après la Journée du crabe et le lolo, je m’intéresse à un tout autre sujet qui m’enthousiasme. Savez-vous que l’alimentation de l’humanité est fortement marquée par des produits issus de la zone Caraïbe. En voici quelques uns : le manioc, la pomme de terre, le cacao, la tomate, le maïs, l’arachide, les haricots, les piments.


 
Michelle MAKAIA-ZENON est issue d’un quartier en construction dans les années soixante. Très
imprégnée dès son enfance, de la vie guadeloupéenne, elle “vit” son pays. La fontaine publique, les
lakous, les lolos, les champs de canne à sucre, le crabe et les jardins créoles ont fait son quotidien.
Professeur de Vente et de Logistique au Lycée Polyvalent Nord Grande-Terre de Port-Louis, elle est
chargée des Relations Outre-mer au sein de l’Association des Professeurs de Vente (APV) dont le
siège est à Reims.
Titulaire d’un DEA en Anthropologie et Sociologie de la Caraïbe et d’un DESS Conseils aux Collectivités Territoriales en matière de Politique de Développement et d’Environnement, Michelle MAKAIA-ZENON est très impliquée dans la vie sociale et s’intéresse à tout ce qui fait la Guadeloupe.


Alex J. Uri  rédacteur en chef  à France Télévisions