samedi 30 juillet 2011

"PLAGE"

                                                  
«  Plage »


Dans les bananeraies, j’entends chuchoter les  feuilles. Les bananiers ont souvent  les bras levés vers le ciel. Fragiles à l’onde tropicale la plus capricieuse,   ils implorent  tous les dieux pour se protéger des vents  qui les désarticulent. Leurs tiges altières déploient en spirale des feuilles droites et retombantes  bercées par un alizé, courtisan assidu et  facétieux. Du haut de la colline, je vois onduler une sorte de chevelure verte qui se fond dans la crinière frisée  de mer des Caraïbes.



Comme tu  as souvent le don de tutoyer la nature, tu m’as toi-même proposé de me faire caresser par les flots argentés et de voir à la fois  mourir et ressusciter à  mes pieds les écumes de la mer.

Près du volcan, tu m’as dit que tu voulais te transformer en une plage pour  m’accueillir. Puis-je donc venir sur  ta  « plage » toucher les galets, mettre ma joue sur ton sable afin de mieux évaluer les origines minérale et organique de cet espace ? Bien évidemment, ton pseudonyme évoque de nombreuses images de détente et de plaisir mais aussi d'horizon et de profondeur.

Une plage est par essence ouverte  et en général accueillante et apaisante. Les plages sont souvent naturelles mais elles peuvent être aussi artificielles. Alors, il s'agit de bien les sonder pour mieux les sentir, égrener le sable avec ses doigts. Sentir sa main, ses doigts s'enfoncer dans le sable donne l'impression de pénétrer la nature et de pouvoir la modeler. Avec le sable sur la plage, on peut en marchant avoir le geste auguste du semeur. L’essentiel est de semer le bon grain là où il y a la bonne terre. Après m’être saupoudré de  ton sable ambré et scintillant,  je  voudrais plonger avec toi  dans la mer qui m'attend.




Je suis un « red  snapper » un Vivaneau. Il paraît qu’une femme câpresse a accouché d’un enfant portant  une tâche rouge sapotille en forme de vivaneau. C’était la marque d’un désir insatisfait pendant sa grossesse. Un jour,  elle a attendu en vain   à déjeuner  son mari et  n’a pas eu  ce même jour, à cause du mauvais temps,   des vivaneaux qu’elle désirait tant manger avec une sauce pimentée . Le désir a donc laissé une empreinte durable sur le corps du bébé.  Le vivaneau  est   un poisson rouge d’Afrique et des Antilles  qu’on peut manger  en grillade, en papillotte, en blaff  . Je te  donne la recette d'un court-bouillon à l’antillaise. A l’image cette Antillaise,  tu pourras rêver de me  déguster et m’avoir en toi. Ah ah ah ! ah ah ah !
Fais mariner (dans un mélange de jus de citron, de piment, d'ail, de sel, de poivre et d'eau)  le poisson bien nettoyé et coupé en morceaux pendant une bonne heure.
Dans une casserole, fais revenir dans un peu d'huile les cives, l'oignon émincé, le persil finement haché, le thym, les tomates épépinées et coupées en quartiers et colore avec du beurre rouge ou du concentré de tomates.
Ajoute une cuillère à soupe de farine et remue vivement, mouille d'un demi verre d’eau.
A la première ébullition, ajoute le poisson, arrose avec quelques cuillères de jus de la marinade et recouvre d'eau. Laisse à feu doux environ vingt minutes
En fin de cuisson, ajoute deux gousses d'ail écrasées, le jus de deux citrons, du sel, du poivre et du piment à ton goût. Nous sommes en fin de cuisson. Tout cela est très bon. Ce poisson  ira donc dans tes profondeurs insondables.


-« Alejo, j'ai choisi la plage car c'est un espace de liberté je m'y sens heureuse  et les horizons, celui que je vois là bas  et celui qui est en toi me ravissent. C’est aussi cela   les  vacances »
-« Plage , il ne me reste plus qu’à te demander de devenir sirène pour que,  par un coup de baguette magique, mes rêves se muent en réalités. »

Je quittai Plage   et j’ai eu un tête à tête avec bananier.  « Je suis une plante du paradis perdu » me dit-il. «  En moi, il y a tout ce qui est beau, fragile et instable. Ma tête  meurt  après avoir donné son fruit mais je me  reproduis par les pieds et je refais ma tête ». Le bananier me rappela son  secret d’éternité et que, par  Boudha , il devint le symbole  de la vanité des biens.
© 2011 Alex J. URI       « Plage »  

 



The equation of a miracle





The equation of a miracle

Mom, you have no  more the breast that you had and that I loved so much. The left breast because at a time I could listened to your heart and, forgive me, I was using it as a pillow and a feeding bottle. I know it hurts you a lot but you know your breast in my head and into my mouth and I do not forget. How do say they it again? ... it's part of my DNA.
Dad would like to have breasts to give them to me when I start screaming, crying because you're not there. I see him busy, call the doctor thinking that I still have one of the childhood diseases. I cry and I enjoy both because it pricks me to give me reminders of vaccine. All this irritates me because they do not understand. My illness is you, Mom. My disease is your absence, Mom. My illness, it is your tenderness disappearing. My illness is that I want to hear you and see you suffer to soothe away your pain.
I told God that if I was born, when everything was against me, let me keep my mother as long as possible. Why? "Because," I said, "you're not going anyway to discredit your  own miracle." I was born because no one  was expecting me to come to this world. The odds were against me. There were , it seems, cells fighting  , hormones that could not coexist, all gave excruciating pain in mom’s body. I have fun because they do not understand. I am a child but a product of faith and love. This is the equation of the miracle. Godfather makes me laugh. He lights candles everywhere. He prays in all languages​​. He reads so many books that I wonder why his head is as full as well done. And when he speaks american english, I feel that he is the Obama’s older brother. Yes, Barrack!. By the way, Mom, he  has pretty daughters. Please send an email to Michele. Michele, who is she?  Mom! How you don’r Michele Obama! I see she has no son. Can you tell her I'm willing to spend a few days during the summer holidays with her ... if Barrack leaves her alone. I know Barrack ... Do not be angry, Michele, she  will invite you with Dad. She knows how to do things well.
And then there's godfather ... he will advise  Barrack on Blacks. My godfather is an international black man. The guy, while he cooks, he's talking about Jesus Christ, Buddha, Muhammad, and he tells you that you have perhaps Chinese ancestry. It is a story of Yin and Yang. Nana has managed to go to college. So  Godfather has turned  into  zen-like father. The latter heard me crying and apparently he did not know where to turn to but he went around with much confidence. His blood pressure is under control ... anyway, he has  machines and robots  that care everything in the house.
I know I want the   breast I want but  if I say it, you will start to cry and suffer. Mom, your cancer  took  away only one breast. I no longer need it  and dad will have to do without it. I hear you and I see you laughing with dad and… godfather taking pictures ... even when sleeping. All this is miraculous.
Aaron.
18 months

PS: By the way, Mom, I saw a lady on  Godfather’s computer.She is pretty ...
- What! Your godfather’s computer! Do not touch it!!!
-Mom, calm down, Dad and Goldfather told me that I could play with the mouse. Why do you play cat! ...
- The name of the lady?
-It begins with love! Ah ah ah!
-Dressed up  or  as if she was going to swim?
-She have nice breasts but I don’t like them. The chick ... is nice  and she even promised to take me to the circus.
- By the  way, please tell the cancer that the trash truck is coming by the house tonight!
© 2011 Alex J. URI the  equation of a miracle

vendredi 29 juillet 2011

L'équation du miracle


L’équation du miracle
Maman, tu n’as plus le sein que tu avais  et que j’aimais tant. Le sein gauche, car  là j’avais à la fois ton cœur que j’écoutais et une mamelle, pardonne-moi, qui me servait d’oreiller  et de biberon.  Je sais que cela t’embête beaucoup  mais tu sais ton sein est dans ma tête et dans ma bouche et je NE l’oublie PAS. Comment disent-ils cela aujourd’hui…cela fait partie de mon ADN.


Papa voudrait avoir  des seins pour me les offrir quand  je me mets à crier, à pleurer parce que tu  n’es pas là. Je le vois s’affairer, appeler le médecin croyant que j’ai encore une des ses maladies infantiles. Je crie et je m’amuse à la fois car il me pique pour me donner des rappels  de vaccin. Tout cela m’irrite car ils n’ont rien compris. Ma maladie, c’est toi, maman. Ma maladie c’est ton absence, Maman. Ma maladie, ce sont tes caresses qui disparaissent. Ma maladie c’est que je veux t’entendre et te voir souffrir  pour te consoler.




Je dis à Dieu que si  je suis né, alors que tout était contre moi, qu'il  me garde ma maman aussi longtemps que possible. Pourquoi ? "Parce que", lui dis-je, "tu ne  vas  tout de même pas  discréditer ton miracle". Je suis né car personne ne m’attendait. Il y avait, semble-t-il, des cellules qui se  battaient, des hormones qui ne  pouvaient pas cohabiter, tout cela donnait des douleurs insupportables dans un seul corps. Je m’amuse car ils n’ont  rien compris. Je suis un enfant de la foi et de l’amour. C’est cela l’équation du miracle. Parrain me fait rire. Il met des bougies partout. Il prie dans toutes les langues. Il lit tellement de livres que je me demande pourquoi sa tête aussi pleine est bien faite. Et puis, quand il parle américain, j’ai l’impression que c’est le grand  frère d’Obama , oui, Barrack !. Au fait, maman, il a de jolies filles. Tu envoies un email à Michèle. Michèle, c’est  qui ? Enfin, maman ! Michèle Obama !!! Je vois qu’elle n’a pas de garçon. Peux-tu lui dire que je suis prêt à passer quelques jours de vacances avec elle… si Barrack la laisse tranquille.  Je le connais Barrack…  Ne te fâche pas, Michèle, va t’inviter avec Papa. Elle sait faire les choses.


France, mère d'Aron

Et puis,  il y a parrain… il va conseiller Barrack sur les Blacks. Parrain est un black international. Le gars, pendant qu’il fait la cuisine, il te parle de Jesus Christ, de Bouddha, de Mohamet et il te dit que tu as  peut-être des ascendants chinois. C’est une histoire de Yin et du Yang. Nana a réussi au baccalauréat et du jour au lendemain parrain est devenu zen! Ce  dernier m’a entendu pleurer et, apparemment, il ne savait plus à quel saint se vouer mais en toute sérénité. Son hypertension est sous contrôle…de toute façon, il a des machines et des gadgets qui s'occupent de tout dans la maison.
Moi, je connais  le sein que je veux mais  si je le dis, tu te mettras à pleurer et à souffrir. Maman, le cancer ne t’a pris qu’un sein. Je n’en ai plus besoin et papa  va s’y adapter. Je t’entends  et  je te vois rire  avec Papa et … Parrain qui prend des photos… même en dormant. Cela c’est miraculeux.

Aaron.
18 mois

PS : Au fait, Maman, j’ai vu une dame sur l’ordinateur de Parrain. Elle est jolie …
- Quoi ! L’ordinateur de ton parrain ! Il ne faut pas y toucher!!!
-Maman, calme-toi, Parrain et Papa m’ont dit que je  pouvais jouer avec la souris. Pourquoi veux-tu jouer au chat ! …
- Le nom de la dame ?
-Cela commence par aime !!! Ah ah ah ! La nana… elle est bien et  elle m’a même promis de m’emmener au cirque.
-Merci de dire au cancer que la poubelle passe ce soir !
©2011 Alex J. URI  l'équation du miracle


                                                        France, Daniel et Aaron

jeudi 28 juillet 2011

L’hétérotrophe



L’hétérotrophe

Pour des rapports, on lui louait son propre corps. Ce n’était pas une prostituée car celle qui loue son corps a la conscience de son existence. Une fille de joie connaît ses appartements et elle vous invite à les visiter. Or, elle agissait un peu comme agent immobilier. Elle faisait avec vous un état des lieux qui ne lui appartenaient point. Suite au prochain locataire.

Un corps emprunté par une personne qui n’existait pas. Son âme  pouvait prendre  la coquille qui était disponible sur un rivage comme un Bernard l’Hermite. Fabriquer un corps qui n’existe pas,  parce qu’il avait été déconnecté de son âme. Elle le savait mais elle jouait la comédie de la femme articulée, cohérente, bien éduquée avec un sens artistique du paraître.

Quand on grattait un  peu cette parure dorée, il y avait de la merde qui coulait comme si il y avait derrière tout cela un cadavre en décomposition. C’était du boudin  créole  fabriqué avec du sang vicié, la garantie d’un cauchemar pour vos entrailles. Le boudin était bon, bien épicé, et on ne pouvait  s’empêcher de le goûter, d’en reprendre avec du pain et d’accompagner le tout avec un punch au citron. Les papilles gustatives se réjouissaient, alors on soufflait doucement par à coup pour apaiser un palais en feu. On soufflait aussi comme une femme enceinte, qui,  perturbée par ces contractions  se prépare à la douleur de l’accouchement naturel. Au bout de la douleur, il y avait le bonheur de la naissance.
Dans le cas du boudin vicié, ingurgité, c’était l’inverse. Vous perdiez les eaux   dans la nuit  car vos intestins  se liquéfiaient, et au bout il y avait des matières que vous n’osiez  ni regarder, ni sentir. Vous étiez effrayés par vos bruits  et  les nuisances olfactives que vous provoquiez.

Seule face à elle-même, elle fondait en larmes.
Elle restait dans la baignoire, le corps enfoui dans de la mousse. Elle ne  cessait  de se frotter avec des gants de  couleur différente. A ce moment précis, elle baissait la tête et fermait les yeux. Elle prenait son temps et il ne fallait surtout pas la déranger.  C’était un beau sac vide que l’on avait rempli. De quoi ? De mensonges jour après jour, nuit après nuit au point d’en faire un être déchiré entre ce qu’elle est, ce qu’elle rêvait d’être,  et l’être irréel et féerique  qu’on lui demandait d’incarner.


Fabriquer un corps qui n’était  pas le sien. Ainsi, elle donnait de l’impression d’être absente  au moment de l’acte .
Je t’aime donc je suis mais comment aimer quand on sent que l’on n’existe pas. Elle portait en elle une contradiction essentielle qui lui provoquait selon un cycle imprévisible  des migraines atroces. Elle avalait toute une gamme de comprimés, des anti-inflammatoires et des antalgiques. Il y en avait partout dans sa maison et dans son sac à main. La douleur était parfois résistante et son visage s’assombrissait. Alors, elle s’allongeait sur le sofa. Quand la céphalée l’envahissait, elle finissait par s’endormir les jambes allongées sur son lit  et  le bras droit recroquevillé sur son visage. Curieusement, c’était la même attitude qu’elle adoptait avant de se livrer à un homme.
Dans son journal intime, elle racontait s’être abandonnée à un inconnu dans un train sans même chercher à voir à quoi il ressemblait. Ensuite, elle s’était lavé dans les toilettes  et avait uriné. La jeune femme qui avait refermé la porte des w.c. derrière elle, n’avait plus rien de commun avec la belle étudiante qui regagnait son siège à pas comptés. La chasse d’eau avait tout fait disparaître. Il ne  voulait pas être à la place de celui qui avait rencontré une chienne sans maître dans la rue. Le corps emprunté avait était  jeté  dès  que l’acte était terminé. Elle était obligée de l’emprunter car le sien n’existait plus ou plus précisément elle ne souhaitait plus avoir conscience de son existence.



Mais pourquoi donc avait-elle consigné cette histoire dans un carnet ? La réponse se trouvait un peu plus loin et en détail.  Elle faisait le récit d’un amour qu’on lui avait refusé. Elle avait désespérément attendu avant son départ pour un voyage d’études un jeune homme qui n’était jamais venu l'accompagner à l'aéroport. Elle avait compté les secondes, puis les minutes, puis les heures avant de prendre l’avion. Peut-être a-t-elle voulu se venger d’elle-même en se  bradant ?  Son attitude avait fait  surgir de ma mémoire une scène de marché. Une jolie femme brune vendait du poisson  frais et de bonne qualité et à un prix raisonnable. Tout le monde passait, jetait rapidement un coup d’œil sur les dorades roses et les vivaneaux rouges. Les femmes s’arrêtaient devant son étale, regardaient ses lèvres pulpeuses et repartaient. Quand elles étaient avec leurs maris, elles avaient bien du mal à décoller puis que ces mâles reniflaient  le poisson en regardant la vendeuse. Après un achat forcé, elles devaient traîner  le chariot et leurs maris. Le marché  se vidait et beaux poissons ne trouvaient d’acquéreur. Les yeux baissés, elle se demandait comment repartir avec tout cela. Ma voix fut pour elle une délivrance. Mes yeux rivés sur ceux des poissons, j’en ai  demandé 10 kilos. Alors que je la remerciais brièvement après l’avoir payé, son regard croisa le mien. Avec une voix douce et triste, elle me supplia de prendre tout ce que je voulais. Elle m’avait  tout offert  pour s’en débarrasser  car c’était une mauvaise journée qu’elle voulait oublier.

Son problème était de conjuguer en elle  des êtres différents, inachevés et conflictuels. Malgré les miracles de la chirurgie réparatrice, il était impossible de refaire un corps en démembrant d’autres et en sélectionnant des parties dissemblables.
On avait fait d’elle un hétérotrophe. Elle fabriquait un autre corps d’éléments extérieurs  pour se donner. Elle nourrissait de  conseils absurdes de la femme qui la considérait comme le fruit d’une relation malsaine qu’il fallait détruire faute de pouvoir oublier. Alors il fallait tout inventer et cette femme-là avait de l’imagination. Elle pouvait vendre  de la glace à un esquimau en plein Alaska.

Son activité favorite était de vous proposer de vous coiffer à un tarif irrésistible au porte-monnaie des habitants de la plantation. Les femmes qui estimaient avoir de mauvais cheveux, représentaient ses cibles privilégiées. Il s’agissait des femmes d’origine africaine avec des cheveux crépus qui vivaient un drame capillaire. Elles n’arrivaient pas à se réconcilier avec ces cheveux -là et encore moins avec leurs origines.
Pour elles, les noires venaient d’Afrique or, elles, elles étaient nées dans une île  qui, géographiquement,  n’avait rien à voir avec ce continent là. Elles n’avaient pas le même environnement, les mêmes cultures, et surtout elles ne parlaient pas la même langue, ce qui, à priori, constituait une barrière rassurante. En réalité, la génétique perturbait leur inconscient. C’était le cas de la mère de cette mulâtresse. Elle avait déjà choisi son camp. Il fallait à tout prix « sauver » cette peau qui avait apporté tant de malheurs à ces gens. Avec la peau noire, votre âme était noire. Or si vous aviez la peau comme du charbon,  votre intelligence serait   obscurcie et   vous auriez de noirs desseins. En conséquence, il n’y avait qu’une issue, sortir de cette obscurité et éclaircir la peau. Le raisonnement était d’une logique implacable ! et les exemples de la vie quotidienne venaient le conforter. Tout ce qui était blanc était à première vue  synonyme de réussite. Alors, pourquoi pas « une peau échappée », ça fait bien à la télévision, n’est ce pas, Monsieur le Diiirrrrecteur ?

©2011 Alex J. URI  l' hétérotrophe


 





mercredi 27 juillet 2011

L'oreiller soliloque





L'oreiller soliloque



Tes paroles ont fait des écorchures sur mon épiderme. J’aurais tant aimé être cet homme à la peau de sapotille qui t’a conduit à perdre la raison une heure durant  et qui a fait chalouper tes hanches dans un ballet divin. Dans quelle faille s’est-il engouffré pour que tu t’abandonnes  presque comme si tu avais inhalé son opium.  Quelle brèche a –t-il créé ou as-tu ouverte pour qu’il s’infiltre dans tes pores? Quelles fissures ton corps a-t-il affiché pour  qu’il se croit  maître de ton espace ?

Qu’as-tu de si envoûtant pour qu’ils se mettent  tous à  te suivre comme des fous?  Et pourtant, tu n’as jamais voulu céder au diktat de tes  envies. L’alchimie de tes sentiments, de tes pulsions, de tes  viscères  est -elle si complexe  pour te rendre en apparence si mystérieuse?

Oui, je t’interpelle. Je veux que tu apprennes à m’aimer avec ton âme,  ton esprit et ton corps. Je m’intéresse à tes neurones car elles seules pourront réveiller les parties endormies de ton anatomie, irradier les espaces anesthésiés de ta matière grise. Quand tu n’es pas là, je te sens dans ma cuisine en train de me préparer le thé.

Sous ma couette fleurie, je sens l’odeur de tes aisselles qui  irrigue mes narines. C’est comme cela que tu commences à m’envahir.  Tu as fui chaque fois  que tu pouvais t’abandonner. Alors, tu devrais aujourd’hui  réapprendre à te parler, à penser à toi,  à te regarder, à te mettre comme le penseur de RODIN pour que j’aille, moi,  au-delà de ta sculpture.

Sous ma  couette parsemée de fleurs tropicales, mon nez flaire mes draps à l'image du tigre  enveloppé par un rideau  d’arbres et  de feuilles à la recherche d’une proie tant convoitée. Ma langue est impatiente de te lécher la nuque mais pour l’instant elle n’a que mes lèvres desséchées car je suis tout essoufflé de nous imaginer  dans un corps à corps endiablé. Sous ma couette bourrée de plumes, j’ai l’impression que tu viens te caler sur  ma main qui te cherche et te caresse

Peux-tu me dire comment tu te sentais, prête à t’offrir sans aucune résistance? Je ne le dirai à personne, sinon à mon oreiller qui parle déjà de toi, toute la nuit,  en soliloque.

©2011 Alex J. URI  l'oreiller soliloque

lundi 25 juillet 2011

Le printemps de l'idylle





Le printemps de l'idylle

On sent déjà le printemps dans l’air, malgré les jours gris et étouffants et la pluie fine et désagréable qui pénètre jusqu’aux os. Une fois la pluie terminée, la belle saison s'épanouira avec un air de mille parfums et une tiédeur qui invite à l’idylle...


Je vais bien, je suis au régime, je me délecte de promenades en bord de mer et je respire un air à l'odeur sans pareil. Je t’ai longtemps parlé de cet homme qui me rendait folle, peut-être que je t’en parlerai encore, mais aujourd’hui je pense à toi, à ta douceur, à ton sourire coquin et fier, satisfait et ivre d’aventure.
Ce jour-là sur le volcan, le jour de notre première rencontre, tu me souriais comme si tu me connaissais depuis longtemps. Moi, j’ouvrais grand les yeux avec la confiance que l’on donne à celui qu'on aime depuis toujours. Comprends-tu ?
Je n'arrive toujours pas à comprendre ce qui s'est passé entre nous dès notre premier regard. Tu te souviens que tu me disais : « Tu as le regard d'une petite biche sans défense, avec tes yeux mouillés ». Mais tu sais bien que seul mon regard est sans défense.  J'endosse une bonne carapace, j’ai appris à soigner seule mes blessures, je hausse les épaules et je continue mon chemin.
Mais depuis toute petite, ces yeux humides de petite biche ont fait que les hommes m'ont aimée . Une petite fille seule, timide et triste, perdue dans son monde de rêves et d'aventures. Une mère  distante et indifférente, une autonomie acquise trop tôt, et un mot, « mère », au son vide et  sourd. J'ai parfois pleuré pour ce mot, je pleurais en le prononçant :  « maman, maman, maman, quoi maman, qui maman, pourquoi maman ? Maman ».Tu sais ce que je pensais en voyant tes yeux bons ce jour-là, tandis que le vent ébouriffait mes cheveux et que toi, tu te protégeais le visage de la  main ?

Je pensais : « Des yeux bons, des yeux de mère et de père, des mains fortes, des mains de père et de  mère, comme celles du Père miséricordieux dans le tableau de Rembrandt à l’Hermitage de Saint-Pétersbourg. Coeur de mère coeur de père, mon coeur."

©2011 Alex J. URI  Le printemps de l'idylle

dimanche 24 juillet 2011

Promenade de nos âmes


Promenade de nos âmes


Ma chère, douce, tendre,



Je dors seul à des milliers de kilomètres de toi mais mon âme s’échappe par la fenêtre ouverte de  ma chambre pour aller te rejoindre  là bas dans la campagne  au clair de lune et te sortir de ton lit. Te voilà partie avec moi et je te ramène près de notre volcan  dans notre  île qui ressemble à un papillon dans la mer des Caraïbes.
Je t’emmène au Carbet près de la Soufrière  mais faisons un  petit tour à Capesterre-Belle-Eau. C’est là où je suis né  et où Christophe Colomb a débarqué.
Nous voilà sautillant de roche en roche pour traverser la rivière  et  cueillir des mangues  que j’aime tant. On dit que Bouddha avait reçu de la courtisane d’Ambapali un verger de manguiers pour y méditer et vraisemblablement  pour  gagner aussi sa vie. La mangue a suivi Bouddha un peu partout dans le monde. 






Les mangues qui se ramollissent   sont charnues et, fermes d’apparence  comme tes seins. Petite morsure, puis  tu fais un suçon,  et la mangue mûre va fondre dans ton palais. Sa chair jaune foncé à un goût de pêche et de fleurs. En la mangeant à deux, tu pourras avec moi lécher le noyau et ensuite  t’occuper de mes lèvres qui  frissonnent. Tout s’arrête d’être en transe autour de nous et l’eau qui coule de la rivière vient couvrir nos ébats. Nous voilà entrelacés sur des feuilles de bananier. Tu es libérée de tes contraintes diurnes de l’autre monde qui t’emprisonne. Je te touche  avec mon index et mon majeur le grain de beauté  . Chatouilleuse, tu éclates de rire. Deux oiseaux nous poussent au chuchotement  avec deux battements d’ailes stressées.


La lune donnait des reflets argentés à l’eau qui jaillissait de la montagne et qui serpentait la vallée. Là haut, au dessus des chutes du Carbet, se trouve la Soufrière. La dernière fois qu’elle s’est fâchée, elle nous a crachoté des cendres. Les gens ont dû fuir de l’autre côté de l’île, plus plat et moins volcanique.
J’habite en amont de cette Grande Rivière. C’est là que je pense à toi  sous les bananiers qui m’abritent. Je me laisse griser par  l’alizé qui sèche à la fois ma sueur et mes larmes. Je sais que tu n’aimes pas que mes yeux soient empreints de tristesse. Je sais, ma douce, je sais que tu n’aimes pas ces choses là. Comme tu le dis si bien, les prières d’un homme triste ne montent pas au ciel.


Et toi,  comprends-tu un peu  que je brûle d’envie de te prendre dans mes bras et que tout se redresse en moi ?
Regarde ici autour de nous, tu les as tous conquis. Les bambous se mettent à danser. Les étoiles nous font un véritable ballet dans la voie lactée. Les feuilles du bananier et du cocotier frétillent d’impatience. Le prunier d’Espagne, le mombin fait chalouper les hanches de ses branches  et exhale un parfum qui avec  le rhum nous jettera dans l’ivresse.
Le Carbet est déjà avec ses chutes en plein orgasme avec la Soufrière qui s’ouvre au ciel. C’est l’heure de rentrer avant l’aube car les nuits sont courtes.   Nos corps inanimés nous attendent dans nos lits. Ce  fut une belle balade.

©2011 Alex J. URI     Promenades de nos âmes

vendredi 22 juillet 2011

The Healing Table and the Discipline of Food Studies by Jessica B. Harris, Ph.D.














Healing Table and the Discipline of Food Studies
by Jessica B. Harris, Ph.D.


The discipline of Food Studies is an internationally growing field in the academy with several institutions around the United States and the world offering not only undergraduate, but advance degrees in the discipline. The subject is rooted in the study of the table and in the investigation of all that surrounds food: its growth, preparation, presentation, and consumption. The table is an especial locus, for it is rife with meaning and with symbolism. It is not without reason that peace treaties are usually negotiated around tables and that each spot at the table is carefully fought over. African American author Maya Angelou, in her New York City home, has a round table in the dining room so that there is no head of foot and all come to the table as equals.


The table is important in African American life in hemispheric generality because from mother’s milk to funeral meats, black food has nurtured the growth of the people of the Western Hemisphere both black and white since the beginning of settlement. Throughout the hemisphere blacks initially enslaved and later free fed the families of others and made sure that there was a meal on their tables even when we were not sure of the conditions of their own families. Cooking, for black families, has therefore always been one of the primary ways of nurturing each other and of healing self.

In the academy, the table and the food on it offer splendid entry points for the discussion of topics ranging from ethnobotany to art and are a perfect way for museums to immediately address their audiences. In the past blacks were ambivalent about their connection to the world of food because it was so intimately connected with the memory of our enslaved past. In many countries, it was dismissed,
forgetting that it was and is also a living testimonial to the entrepreneurial skills that survived the unspeakable and, most importantly one of the most pervasive influences that blacks have had on the culture of the Hemisphere. Most people readily acknowledge the debt that the music of the so-called New World owes to people of African descent, few even think of the debt that their food owes as well. It’s not all just about the music! 
From the colonoware and Gullah Baskets of the American plantations to Brazil and Bahia’s  comida de azeite to the street foods hawked by black men and women from Perú to Panama, Martinique to Mexico through Haiti,  for centuries there has been a massive and all pervasive influence of  the African hand in the hemisphere’s cooking pots.   There is a wealth of rich material for investigation from the praline sellers of New Orleans who sold their sweet pecan candies on street corners in the nineteenth through mid twentieth centuries to the Cuisinières of Guadeloupe who are celebrated in Pointe-à-Pitre each August. Each is the custodian of a rich culinary patrimony that is just beginning to be discovered and honored internationally and is the subject of the nascent field of African Diaspora Food Studies.


Jessica B. Harris is the author of ten critically acclaimed cookbooks documenting the foods and foodways of the African Diaspora. A book on the rum culture of the Caribbean is forthcoming in November and she is currently working on a narrative history of African Americans and food. A culinary historian, Harris has lectured on African-American foodways at numerous institutions and colleges throughout the United States and abroad and has written extensively about the culture of Africa in the Americas, particularly the foodways.

Dr. Harris holds degrees from Bryn Mawr College, Queens College, The Université de Nancy, France, and New York University. Dr. Harris was the inaugural scholar in residence in the Ray Charles Chair in African-American Material Culture at Dillard University in New Orleans. Dr. Harris is also professor of English at Queens College, C.U.N.Y. and Director of the Institute for the Study of Culinary Cultures that she established at Dillard University.

La table d’hôte à l’aune des études culinaires by Jessica B. Harris, Ph.D.




La table d’hôte à l’aune des études culinaires
Par Mme Jessica B. Harris, Ph.D.








Les études culinaires prennent, en tant que discipline universitaire, une place de plus en plus importante  au niveau international. Plusieurs institutions, aux Etats-Unis et à l’étranger, proposent des études non seulement courtes mais également longues. Ces études portent principalement sur les arts de la table ainsi que sur tout ce qui gravite autour de l’alimentation en général, de la culture et collecte des ingrédients à l’art de la dégustation, en passant par les étapes de la préparation des mets et de la présentation des plats. La table est un lieu particulier plein de signifiants et de symboles. Ce n'est pas sans raison que les négociations des traités de paix se déroulent habituellement autour d’une table et que le plan de table fasse l’objet d’âpres discussions. Maya Angelou, écrivain noir-américain, a opté dans sa salle à manger new-yorkaise, pour une table ronde autour de laquelle ses invités s’asseyent sans protocole, chacun étant traité sur un pied d’égalité.

Pour les noirs-américains, sous-entendu ceux du continent américain et pas uniquement d’Amérique du Nord, tout ce qui a trait à la nourriture revêt une importance particulière. Du lait maternel au repas de funérailles, la cuisine noire, depuis le début de la Découverte de l’Amérique, a indistinctement accompagné la croissance de la population noire et blanche du Nouveau Monde. Sur tout le continent américain, les Noirs, d’abord esclaves puis libres, ont cuisiné pour les familles de leurs maîtres ou employeurs, veillant à ce qu’un repas leur soit toujours servi même s’ils n’étaient pas sûrs qu’il en fût de même pour leur propre famille. Cuisiner, pour les familles noires, a donc toujours été une des principales manières de se montrer de l’estime et également de se faire soi-même plaisir.

Sous l’angle académique, la table et ses plats permettent d’ouvrir le débat sur des sujets variés allant de l’ethnobotanique à l'art ; ceux-là offrant dès lors à un musée la possibilité d’interpeler immédiatement son public. Par le passé, certains noirs ont entretenu une attitude ambivalente envers tout ce qui se rapportait à la cuisine et les renvoyait au passé esclavagiste. Dans de nombreux pays, d’aucuns ont méprisé ce passé, oubliant qu'il était et est aussi un témoignage vivant de compétences entrepreneuriales ayant survécu à l'innommable et, de manière plus importante encore, une des influences les plus fortes des peuples noirs sur la culture du continent américain. Si la plupart des personnes reconnaissent aisément la dette que la musique dite du Nouveau Monde a envers les descendants d’origine africaine, peu pensent à ce que leur alimentation leur doit aussi. Il n’y a pas seulement la musique !
De la cuisson traditionnelle dans des ustensiles en terre cuite - les colonoware (ou Coco-Nèg des Antilles françaises) - aux paniers Gullah - (des Noirs Boni, si l’on veut trouver un équivalent en Guyane française) - originaires des plantations d’Amérique du Nord, à la comida de azeite de Bahia au Brésil, en passant par les cuisines ambulantes tenues par des hommes et femmes noires, du Pérou au Panama, ou de la Martinique au Mexique, sans oublier Haïti, des siècles durant, les petites mains d’origine africaine ont fortement imprégné les marmites du continent. Tant les vendeurs de praline de la Nouvelle Orléans, qui vendaient leurs confiseries à la noix de Pécan dans les coins de rue du dix-neuvième jusqu’au milieu du vingtième siècle, que les Cuisinières de la Guadeloupe, célébrées chaque mois d’août dans les rues de Pointe à Pitre, offrent un riche matériau de recherches. Chacun est le gardien d'un riche patrimoine culinaire qui commence seulement à être découvert et reconnu internationalement. Ce patrimoine constitue le thème central du nouveau champ de recherches que représentent les Études Alimentaires de la Diaspora Noire.


Jessica B. Harris est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages de référence sur la cuisine et les habitudes alimentaires de la diaspora noire En novembre 2009 paraitra son nouveau livre sur les traditions culturelles aux Antilles et la consommation de rhum. Mme Harris rédige actuellement une étude sur l’histoire du rapport des noirs-américains à la nourriture. Historienne de la cuisine, elle a donné plusieurs conférences sur le thème des traditions alimentaires noire-américaines, dans un cadre universitaire ou autre, aux Etats-Unis et à l’étranger. Elle est l’auteur de nombreux articles sur la culture noire dans le continent américain, plus particulièrement sur les traditions alimentaires.
Docteur ès lettres, Mme Harris est diplômé du Bryn Mawr College, du Queens College, de l’Université de Nancy et de New York University. Elle a été le premier chercheur attaché à la « Chaire Ray-Charles pour la recherche des artéfacts de la culture noire-américaine » de l’Université Dillard de la Nouvelle-Orléans. Elle y a créé l’Institut pour l’Etude des Traditions Culinaires et en est actuellement le directeur. Mme Harris est également professeur d’anglais au Queens College et au City University of New York (C.U.N.Y.)
Traduit de l'anglais 
par Roland Laval, fonctionnaire français, ancien fonctionnaire international