vendredi 22 juillet 2011

La table d’hôte à l’aune des études culinaires by Jessica B. Harris, Ph.D.




La table d’hôte à l’aune des études culinaires
Par Mme Jessica B. Harris, Ph.D.








Les études culinaires prennent, en tant que discipline universitaire, une place de plus en plus importante  au niveau international. Plusieurs institutions, aux Etats-Unis et à l’étranger, proposent des études non seulement courtes mais également longues. Ces études portent principalement sur les arts de la table ainsi que sur tout ce qui gravite autour de l’alimentation en général, de la culture et collecte des ingrédients à l’art de la dégustation, en passant par les étapes de la préparation des mets et de la présentation des plats. La table est un lieu particulier plein de signifiants et de symboles. Ce n'est pas sans raison que les négociations des traités de paix se déroulent habituellement autour d’une table et que le plan de table fasse l’objet d’âpres discussions. Maya Angelou, écrivain noir-américain, a opté dans sa salle à manger new-yorkaise, pour une table ronde autour de laquelle ses invités s’asseyent sans protocole, chacun étant traité sur un pied d’égalité.

Pour les noirs-américains, sous-entendu ceux du continent américain et pas uniquement d’Amérique du Nord, tout ce qui a trait à la nourriture revêt une importance particulière. Du lait maternel au repas de funérailles, la cuisine noire, depuis le début de la Découverte de l’Amérique, a indistinctement accompagné la croissance de la population noire et blanche du Nouveau Monde. Sur tout le continent américain, les Noirs, d’abord esclaves puis libres, ont cuisiné pour les familles de leurs maîtres ou employeurs, veillant à ce qu’un repas leur soit toujours servi même s’ils n’étaient pas sûrs qu’il en fût de même pour leur propre famille. Cuisiner, pour les familles noires, a donc toujours été une des principales manières de se montrer de l’estime et également de se faire soi-même plaisir.

Sous l’angle académique, la table et ses plats permettent d’ouvrir le débat sur des sujets variés allant de l’ethnobotanique à l'art ; ceux-là offrant dès lors à un musée la possibilité d’interpeler immédiatement son public. Par le passé, certains noirs ont entretenu une attitude ambivalente envers tout ce qui se rapportait à la cuisine et les renvoyait au passé esclavagiste. Dans de nombreux pays, d’aucuns ont méprisé ce passé, oubliant qu'il était et est aussi un témoignage vivant de compétences entrepreneuriales ayant survécu à l'innommable et, de manière plus importante encore, une des influences les plus fortes des peuples noirs sur la culture du continent américain. Si la plupart des personnes reconnaissent aisément la dette que la musique dite du Nouveau Monde a envers les descendants d’origine africaine, peu pensent à ce que leur alimentation leur doit aussi. Il n’y a pas seulement la musique !
De la cuisson traditionnelle dans des ustensiles en terre cuite - les colonoware (ou Coco-Nèg des Antilles françaises) - aux paniers Gullah - (des Noirs Boni, si l’on veut trouver un équivalent en Guyane française) - originaires des plantations d’Amérique du Nord, à la comida de azeite de Bahia au Brésil, en passant par les cuisines ambulantes tenues par des hommes et femmes noires, du Pérou au Panama, ou de la Martinique au Mexique, sans oublier Haïti, des siècles durant, les petites mains d’origine africaine ont fortement imprégné les marmites du continent. Tant les vendeurs de praline de la Nouvelle Orléans, qui vendaient leurs confiseries à la noix de Pécan dans les coins de rue du dix-neuvième jusqu’au milieu du vingtième siècle, que les Cuisinières de la Guadeloupe, célébrées chaque mois d’août dans les rues de Pointe à Pitre, offrent un riche matériau de recherches. Chacun est le gardien d'un riche patrimoine culinaire qui commence seulement à être découvert et reconnu internationalement. Ce patrimoine constitue le thème central du nouveau champ de recherches que représentent les Études Alimentaires de la Diaspora Noire.


Jessica B. Harris est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages de référence sur la cuisine et les habitudes alimentaires de la diaspora noire En novembre 2009 paraitra son nouveau livre sur les traditions culturelles aux Antilles et la consommation de rhum. Mme Harris rédige actuellement une étude sur l’histoire du rapport des noirs-américains à la nourriture. Historienne de la cuisine, elle a donné plusieurs conférences sur le thème des traditions alimentaires noire-américaines, dans un cadre universitaire ou autre, aux Etats-Unis et à l’étranger. Elle est l’auteur de nombreux articles sur la culture noire dans le continent américain, plus particulièrement sur les traditions alimentaires.
Docteur ès lettres, Mme Harris est diplômé du Bryn Mawr College, du Queens College, de l’Université de Nancy et de New York University. Elle a été le premier chercheur attaché à la « Chaire Ray-Charles pour la recherche des artéfacts de la culture noire-américaine » de l’Université Dillard de la Nouvelle-Orléans. Elle y a créé l’Institut pour l’Etude des Traditions Culinaires et en est actuellement le directeur. Mme Harris est également professeur d’anglais au Queens College et au City University of New York (C.U.N.Y.)
Traduit de l'anglais 
par Roland Laval, fonctionnaire français, ancien fonctionnaire international

1 commentaire:

  1. C'est vrai que l'on oublie souvent qu'il existe un lien entre les habitudes alimentaires de la diaspora noire et l'histoire ,tout comme la musique comme le jazz avec la période esclavagiste, et cest bien de nous le rappeler et d' en faire même des recherches pour expliquer ces traditions culinaires noires américaines. Nanadydy

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