jeudi 30 août 2012

Alexander et Teresa "Querelle sous l'oreiller"






 Alexander de Guadeloupe et Teresa de Trinidad
By Alex J. URI
Feuilleton été 2012/Episode 28

 « Alexander,

Vous m'amusez, oui vraiment !
Il m'arrivait de sourire en vous imaginant mais je dois vous avouer que la lecture de votre lettre me rend quelque peu narquoise.

Si la mienne vous a fait l'effet d'une alerte cyclonique, j'en suis navrée, ceci dit, je vous rappelle que les alertes passent et repassent sans pour autant que les cyclones ne dévastent les pays.
Je regrette vivement que vous ayez été effrayé au point d'en oublier de vous réfugier sur la montagne fumante et protectrice, mais était-ce la pleine lune ?

Je ne suis pas indignée juste dubitative face à vos efforts de conquête si effrénés que vous en oubliez la notion de l'autre et son espace, tout obnubilé que vous êtes à vouloir juste le posséder, donc, en  l’occurrence, me posséder. Je sais que vous ne supportez point mes relations avec mes  directeurs de conscience qui,  a vos yeux,  ne sont pas favorables à notre relation.

Quant à mes désirs insatisfaits et mes regards concupiscents, je crains fort que vous ne projetiez sur moi tout ce qui, en ce moment,  agite vos nuits.

Quel intérêt  auriez-vous à investir en moi   sinon celui de  me faire  grossir les rangs des courtisanes délaissées dans votre jardin d'Eden tandis que vous courrez encore et encore vers d'autres paradis exotiques ? Je sais que vous, venant des colonies, vous  avez l’habitude de justifier vos appétits  en faisant référence aux séquelles de l’esclavage.

Néanmoins, j’ai du respect pour votre grand-mère Eléonor qui a bien enduré cette période là mais par pitié laissez-la donc reposer en paix sans lui attribuer la distribution des rôles de chacun. C'est bien vous qui aimeriez  que votre volonté soit faite aussi rapidement que possible.
 J'ai bien peur que nos aspirations respectives en matière d’expressions amoureuses ne soient non seulement opposées mais complètement incompatibles. Cependant, Alexander, depuis que  je vous ai rencontré, vous avez troublé mes hormones  et réveillé mes phéromones. Alors oui, nos têtes se tutoieront encore, nos corps s'enlaceront à nouveau et vous me verrez nue puisque vous en rêvez.
 Je vous laisserai même croire que vous parlez d'amour mais n'oubliez jamais qu'Il en est Un au dessus de vous qui Lui me parle d'Amour en Vérité. Ayant séjourné à l’île de la Réunion, je  souhaite de Notre Dame de la Délivrance, patronne de l’église du Bas-de-la-Rivière à Saint Denis  vous guide vers  la paix et la sérénité, vous permettant d’atteindre, aujourd’hui et toujours, un bonheur  profond,
Je vous confie à Elle, avec ferveur.

Teresa. »
©2012 Alex J. URI  Alexander de Guadeloupe  et Teresa de Trinidad
alexanderetteresa@gmail.com


Alexander et Teresa "Mon lit à baldaquin"












Alexander et Teresa 
Feuilleton été 2012 Episode 27
« Le lit à baldaquin »

Teresa,

Votre lettre  m’a fait l’effet  d’une alerte  cyclonique. Je pensais déjà à ces rafales qui allaient secouer les fondations de ma maison, froisser les tôles de  mon toit, mettre à genoux les bananiers de nos plantations. J’ai cru qu’il s’agissait là de la menace  d’un  ces ouragans puissants  d’origine capverdienne. Vous imaginez la frayeur qui a pu m’habiter. Je me projetais comme ses branches et ses arbres qui jonchaient le sol  après avoir subi la violence des vents et  des précipitations.

Vous avez oublié que je suis comme la montagne fumante   depuis  qu’à ma naissance j’ai été présenté   à sa puissance lors de la pleine lune. A cause de vous, aujourd’hui, je suis un volcan qui pleure car la douleur sort de mes entrailles. Mes laves vont vous momifier, si vous ne déchaînez pas sur moi des averses de bonheur  tropical.
Trêve de plaisanteries et de faux-semblants, je ne crois guère à votre indignation. Vous êtes  consumé par vos désirs insatisfaits depuis des lustres. J’ai surpris vos regards  furtifs et concupiscents  dans des lieux et à des  moments où comme tout le monde vous auriez dû avoir les yeux fermés. J’adore faire le clown, ce qui  fait gonfler  votre orgueil affamé et vos prétentions carnassières. Alors, vous  vous lâchez sur celui qui, apparemment plus faible,  vous apporte une certaine jouissance, l’orgasme du mépris. Vous comprendrez que, contrairement à vous,  je ne trouve pas opportun d’étaler  « cette profondeur » , qui, en l’occurrence, mérite plutôt un forage.

Je ne vous pose aucune question sur votre vie  passée mais de grâce épargnez-moi vos reconstitutions frauduleuses et ridicules  de curriculum vitae. Point besoin de  faire une concurrence déloyale à Marie-Madeleine. Ma grand-mère Eléonor morte à 95 ans semblait mieux comprendre les Saintes Ecritures que vous, plongée  dans des élucubrations académiques. La respectable nonagénaire me disait que certains  fidèles, sans doute  illuminés, avaient l’ambition  de se  trouver à la droite du Père. Et elle éclatait de rire en ajoutant  qu’ils  ne devaient pas réaliser que la place était déjà prise par Jésus Christ. Je me permets, à l’inverse de vos conseillers patentés et ténébreux, de vous conseiller un peu d’humilité. Faites le mieux possible sur terre et… avec moi, et nos amis du Ciel intercéderont pour vous  afin de vous réserver une place confortable. Les médailles et l’argent, les honneurs et les trésors restent en général hors du  cercueil. En conséquence, je préfère vous voir nue, vous déshabiller au propre et au figuré pour mieux vous dépouiller. Ainsi, nous pourrons nous retrouver dans le jardin d’Eden.

En vous parcourant de mes baisers, je vais ressentir l’odeur de la savane, entendre les bruits, les saveurs, les parfums  que mes aïeux ont connus. Grâce à vous, je veux me bercer dans le placenta de leur histoire. J’adore quand vous jouez à la négresse sauvage et métissée en parlant comme une poétesse. Je vais vous apporter moi aussi les condiments de Pondichéry qui sont dans mes cellules. Je chercherai la source qu’il  y a en vous pour me désaltérer. Je serai votre proie et vous serez la mienne.

Je suis dans mon lit à baldaquin, là ou votre tête et la mienne se tutoyaient, là où votre visage caressait le mien, la où vous étiez blottie comme un fœtus en sécurité, là où nos corps se sont entrelacés, là où vous avez poussé avec moi ce  cri d’abandon de soi réveillant les voisins tout heureux d’entendre le souffle du bonheur. Teresa, Teresa, Ô Teresa, je lécherai les égratignures de mes mots  avant que je vous dise que je vous aime. Je vous aime alors  comme «  mon corps. »
Puisqu’ Amour et Vérité  se rencontrent et que Dieu est Amour, je lui demande vous pardonner de m’interdire de vous parler d’amour. Je vous glisse ma prière habituelle sous l’oreiller.

Alexander
26 Août 2012



mardi 21 août 2012

Alexander et Teresa "Un cercueil à la mairie"

Alexander et Teresa
Feuilleton été 2012
Episode 26
« Un cercueil  à la mairie »




Rebecca et Alexander  ont   vingt  ans quand  ils se rencontrent   au  lycée de Baimbridge  en Karukéra en première année d’université. Rebecca, originaire  d’une île voisine, rend visite à sa grande sœur pour participer à une excursion dans l’île de Marie-Galante. Cette mulâtresse  dont la chevelure noire et frisée ressemble à celle de la mère d’Alexander  va provoquer le coup de foudre. Les regards s’échangent, les cœurs s’accélèrent, les peaux transpirent, les caresses derrière le manguier s’organisent, Ils prennent le temps des baisers.  Cependant ils ne vont pas dépasser ces premiers émois qui bouleversent cœurs et corps. Alexander et Rebecca se revoient vingt ans plus tard et Rebecca se demande si elle n’est pas passée à coté de l’homme de sa vie. Alexander se souvient d’une histoire mystérieuse qui avait marqué l’enfance de Rebecca. Elle n’avait connu son grand-père, un homme politique, qui a emporté dans la tombe son secret.

C’était devenu un livre de famille qu’on ne lisait pas à haute de voix  pour ne pas perturber les enfants et les petits-enfants. Et pourtant, à chaque occasion,  le sujet revenait à la surface comme une bouteille à la mer. Les rumeurs qui enflaient ramenaient en catimini le cadavre  dans les conversations.  Le flux et le reflux de ces vagues de témoignages, de non-dits, de chuchotements et soupirs finissaient en  éclats de voix. Les enfants étaient chassés vers la cour ou la véranda précisément  quand les mots « quimbois » et sortilèges fleurissaient. Il s’agissait « de paroles et des conversations de grandes personnes. » Quand Rebecca posait des questions précises, les réponses impatientes révélaient  une obscure clarté. A l’évidence, tout oscillait entre haine et pardon.

Fallait-il accepter l’irréparable ou fallait-il organiser la vengeance contre ceux qui avaient  commis ou  commandité Le meurtre du « mayor », le maire de la  « townhall »  à la campagne? Le premier magistrat de la commune avait redoré le blason de toute une famille. Grand, bel homme, cheveux noirs et frisés, peau échappée, Danton  gérait avec courage et détermination  ses administrés pendant une période trouble. Il y avait une bande de nervis baptisée « la bande raide » qui régnait en toute impunité sous l’Amiral Reuter. Après le départ de ce dernier, la terreur avait continué  et cette bande faisait la loi : bastonnades, morts suspects, meurtres impunis.  La période de rigueur et de répression imposée par l’Amiral Reuter s’était donc prolongée.  La population devait   encore subir les exactions de  malfrats. Dans cette atmosphère de western, le grand-père paternel de Rebecca agissait comme un sheriff et tentait de combattre les hors la loi. Il avait mis leurs têtes à prix. Il n’avait  pas vu les bandits  mais ils étaient  tout de même arrivés à leurs fins. Après une journée de violentes douleurs au ventre, de vomissements, de vertiges, de contractions, de convulsions, de sueurs froides, Danton  le grand « chabin »avait  rendu  l’âme dans on bureau. Un cercueil aux bonnes dimensions avait été déposé à l’entrée de la  mairie.

 Le médecin  et le commissaire de police de la région  n’ y comprenaient rien du moins en apparence  mais la population avait fait déjà son enquête. Vous aviez alors autant de procès verbaux que d’habitants. La piste privilégiée  conduisait directement au rival politique, son voisin, car il était   membre de  cette fameuse bande. La thèse de l’empoisonnement  ralliait  tous les suffrages mais pendant très longtemps cette affaire bien embrouillée avait occupé les esprits. Qui donc avait administré ce poison là ? Les questions alimentaient d’autres questions.

Le scénario n’avait jamais pu être reconstitué. L’oncle de Rebecca parlait de temps à autre  de la vendetta. Les femmes de la famille, elles,  se tournaient vers Dieu.  Elles pensaient alors comme le pape  Jean Paul 2  qui bien des années après devait s’exprimer sur la question du pardon : « un homme qui pardonne ou qui demande pardon comprend  qu’il y a une vérité plus grande que lui. » La vérité, on ne l’a jamais trouvée.
La grand-mère de Rebecca avait instauré le régime de neuvaines (prières pendant 9 jours) avec pour objectif de demander au Tout Puissant une protection permanente notamment contre un nouveau meurtre. Rebecca avait grandi dans une ambiance  qui vous obligeait à  décoder sans trop parler mais à observer les uns et les autres  dans le moindre détail. Rebecca, sans aucun mot, avait compris ce qui s’était passé et ces événements avaient eu beaucoup plus d’impact sur elle que  l’on ne croyait.

 Elle avait encaissé le traumatisme de ces parents. Alors, elle avait  peur de l’autre, du destin. Alexander incarnait les deux à la fois et il avançait comme un fauve. Il esquissait un sourire  carnassier et regardait  loin devant lui pour évaluer la distance à parcourir .A son regard, elle sentait qu’il était prêt à accélérer surtout si, elle,  la proie était à portée de main et sur son territoire. Comme son grand-père, elle savait résister aux attaques mais elle oubliait qu’on pouvait en payer le prix. Alexander  avait une ténacité mêlée de tendresse. Elle sentait ses narines se  promenant doucement sur le pavillon de son oreille gauche. Alexander maîtrisait vite la géographie  du territoire de Rebecca. Dans un dernier sursaut, Rebecca haletante le repoussait mais il se laissait faire pour revenir à la charge. 

Rebecca illustrait là toute son ambivalence. Elle montait  de la réserve, de  la retenue  mais aussi  la peur de se livrer et de faire confiance aux autres. Dans le même temps, elle faisait preuve d’une certaine candeur, voire de la naïveté. Selon elle, l’homme ne pouvait être mauvais car Dieu par son amour ne pouvait le permettre. Alexander, doté d’une bonne éducation religieuse, adorait ce credo là, un atout inespéré pour convaincre  et apaiser. 

Les parents de Rebecca avaient eux aussi tenté rétablir la paix dans l’environnement de  Rebecca. Son père fonctionnaire et sa mère au foyer avaient fait pour lui offrir une enfance heureuse comme celle d’Alexander. La mère de Rebecca comme celle d’Alexander  vivait aussi de la pâtisserie notamment au moment des fêtes  durant lesquelles  elle devait honorer des commandes  d’autres familles. Tous les dimanches, elle confectionnait   des « gâteaux pistaches » et des «  monts blancs au coco » pour le plus grand bonheur de ses enfants.

 La petite Rebecca, sa sœur et ses frères faisaient exactement comme ceux d’Alexander.  Ils s’installaient autour de la grande table de la  cuisine pour préparer les moules, râper le coco, la cannelle et le citron. C’était  un moment de récréation et d’attention quand il fallait peser la farine ou le sucre.  .Auparavant, les enfants devaient respecter le cérémonial autour  la grande balance Roberval à deux plateaux que l’on descendait pour l’occasion,  avec précaution, de son étagère en bois verni. Alexander n’avait pas  encore pensé à une stratégie des gâteaux pour conquérir Rebecca. Sur les lèvres, il allait essayer un arrière-goût de sucré-salé dans l’île de Marie-Galante.

21 Août 2012



 Vous pouvez , si vous le souhaitez, nous  faire parvenir vos commentaires, vos suggestions , vos recommandations à alexanderetteresa@gmail.com
 Merci mille fois.

dimanche 19 août 2012

Alexander &Teresa "Frédérique, le charme de Beyrouth"




 Alexander et Teresa
Feuilleton été 2012
Episode 25
«Frédérique, le charme de Beyrouth »

Le téléphone sonne  Alexander  est de mauvaise humeur  et se précipite  pour répondre. Il croit que c’est Teresa qui l’appelle pour sonder ses réactions après son courrier. Le ton est sec, les mots sont durs  puis il se confond en excuses car il s’agit de Frédérique, son amie afro-libanaise de passage à Paris pour une exposition de ses  sculptures. Frédérique  est dans les filières médicale et artistique. C’est grâce à son intervention  qu’Alexander a été sauvé. Face aux secouristes d’urgence, en l’absence des proches,  elle  fait figure d’épouse du patient et entre dans la tanière d’Alexander. Pendant l’hospitalisation  d’Alexander, c’est Frédérique qui gère la maison. Discrète, professionnelle, psychologue, elle observe  l’entourage de son  ami .Alexander divorcé, croyant ne pas s’en sortir, lui a fait certaines confidences qui les rapprochent.

Votre Liban est un pays de discours et de disputes.
Mon Liban est (...) écho de flûtes dans les grottes et les cavernes.
” Deux phrases   Khalil Gibran –( Extraits de « vous avez votre Liban et j’ai le mien ») qu’incarnait assez bien Frédérique, ancrée dans  les cultures africaine antillaise et arabe. Elle pouvait vite prendre la température, jouer un rôle de médiateur et surtout repérer écueils de navigation.
Venue de Beyrouth avec une valise pleine de ses créations, elle avait  un message. Elle évoquait  «   la part animale et parfois végétale en nous ».  Elle aimait  les animaux et voudrait glorifier ce que l’homme partageait avec eux. Selon elle, c’était   « la meilleure face de l’homme ». Elle allait encore beaucoup plus loin en affirmant « sa part de lumière celle qui lui confère sagesse gratitude et sérénité. » Cette philosophie était aux antipodes de celle de Teresa qui, à l’évidence, ne supportait pas  cette Frédérique, trop proche d’Alexander et quelque peu ambiguë dans ses câlins amicaux. Teresa avait appris que Frédérique avait généreusement fait la toilette intime d’Alexander, affaibli sur son lit d’hôpital. Le sang de Teresa n’avait  fait  qu’un tour et elle était allée enquêter auprès des services administratifs de l’hôpital. La réponse de la responsable antillaise, connaissant Alexander, l’avait rendue furieuse : « Madame nous sommes chargés de veiller  à l’état de santé du malade mais nous n’avons aucune contre-indication à ce que son épouse lave  son bijou, ce qui nous  a beaucoup aidés à cause des réductions d’effectifs.»
 Le regard de Frédérique    avait l’expression de la  douceur mais la vigilance de la tigresse. Vigilante, elle avait  souvent  couru vers les collines, sauver les enfants quand les bombes explosaient  et  empoisonnaient  la vie de tous les jours. Dans cette la chambre  d’Alexander,    elle marchait de manière nonchalante  et rassurante. Elle avait  fait trois enfants,  deux  garçons et une fille  de lits  différents. Ils avaient grandi, étudié et aujourd’hui  étaient en plein épanouissement  dans ce métissage culturel original.
La guerre vous donnait  des ailes mais aussi un sens des réalités  et Frédérique, âgée de 50 ans le résumait fort bien en une phrase : « un jour la guerre  s’arrête et on se dit qu’il est temps d’exprimer ce qu’il y  a en nous ». Pour elle, Alexander s’était beaucoup battu pour aider les uns et les autres, pour aller au front diplomatique pour défendre les économies de ses régions insulaires et africaines menacées par la mondialisation. Aujourd’hui ce malaise qui le secouait indiquait la fin d’une époque. C’est  à ce moment là que l’on s’apercevait que c’était du chacun pour soi. Ceux que vous aviez aidés  sans rien attendre  d’eux,  croyaient que vous aviez encore un trésor de guerre caché. Il voulait vous l’arracher pendant vous étiez  sur la civière.
 Frédérique était une femme médecin qui connaissait les horreurs de la guerre. Elle  priait Dieu de lui donner la force d’agir vite pour sauver  et faire des miracles. Parfois, c’était impossible.  Elle n’avait pas le temps de disserter sur les pratiques religieuses et les croisades. Aujourd’hui elle faisait des sculptures pour sortir ce qu’elle avait enfoui dans ses tripes.
Dans le living room,   transformé en   unité de soins ambulatoire pour Alexander,  elle laissait filtrer, comme cette bête féline, un instinct de possession pour   ses«  ni homme, ni animal. »
Elle rappelait à Alexander  qui s’endormait avec ses machines,  ces manipulations génétiques  qui rapprochaient l’homme de l’animal. Selon les chercheurs,  les Egyptiens et les Assyriens trouvaient ces représentations mi homme mi animal  tout à fait normales. Faisant un lit de fortune comme à la guerre, elle  avait dormi en tenant la main d’Alexander, retenant  son souffle pour qu’il ne perdît pas le sien.

19 août 2012






Alexandra &Teresa "Teresa en croisade"



Alexander et Teresa
Feuilleton  été 2012
Episode 24
« Teresa en croisade »
Alexander   avait noté  ce qu’il appelait la charmante ambivalence de Teresa. Il en était parfois inquiet  car elle multipliait  petites ruptures avec un comportement intégriste. Selon elle, Alexander manquait de rigueur dans sa pratique religieuse et surtout il ne tenait pas  compte de ses raisonnements, ses démonstrations sur le monothéisme.  Alexander pensait  que le temps des croisades  était terminé  mais Teresa  était en train de lancer une offensive  du Têt contre lui. La lette  de Teresa   contient  véritables mines anti-personnelles.

Bonjour Alexander,
 Votre lettre m'a touchée et je ne suis pas insensible à l'histoire de vos origines. Cependant, vous ne cessez de me surprendre. C'est que vous ne m'avez pas habituée à cette "profondeur" que je découvre en vous mais plutôt à un certain libertinage, vous en conviendrez bien !
Ceci m'amène à penser que vous êtes d'un autre genre que celui que vous affichez de prime abord, peut-être même d'un genre tout différent que ce que l'on pourrait imaginer à vous entendre et à vous fréquenter.Moi, je suis seule dans ma chambre. Seuls les murs voient ce que je fais et très souvent savent se taire. Alors, je n’ai rein à confesser mais vous, on vous voit avec elles et on imagine. Cela pourrait devenir insupportable car cela me perturbe de douter de votre statut viral. Je crois bien que vous avez plus de vigueur pour honorer celle que vous choisissez mais à moi, vous me parlez de vos malaises qui vous affaiblissent. Dans une autre vie , j’ai fait des études qui me permettent d’établir un diagnostic.
J'ai bien conscience que vous me faites une cour pressante, d'ailleurs vous ne vous en cachez pas et multipliez les occasions de me dire que "vous voulez me voir nue", tout en y mettant forme et élégance. Comprenez bien, cher Alexander, que votre attitude est néanmoins osée, révélatrice d'une pulsion qui m'effraie quelque peu et que je reconnais bien tant elle a marqué ma propre origine.
Je suis, certes flattée par l'intérêt que vous me témoignez mais  je dois vous signifier par ailleurs, la réserve qui m'anime quant à céder à vos avances.
Où me mèneraient-elles donc, sinon à me perdre moi-même et mon âme de surcroît ?
Dans ma commune,  je m’occupe de toutes ses brebis égarées. Quand le curé n’est pas là, les fidèles viennent me consulter. Ils sont pratiquement à mes pieds  car je connais leurs commérages et leurs vices quotidiens. Le dimanche, dans  ma robe blanche et longue, j’apparais presqu’immaculée. J’ai réussi à recycler mes  péchés  en utilisant le principe  du blanchissement de l’argent sale.  Vous comprendrez qu’  en investissant dans une relation  avec vous,  je serai plus pécheresse  donc moins propre que je ne le suis aujourd’hui. Quand la messe est terminée, je suis tout un rite.  Vous, vous arrivez en retard et vous souhaitez  partir   avant  même  la fin  des célébrations. Vous êtes  comme une mouche  sur mon étoffe sans tâche. A l’évidence, vous ne vous montrez pas la hauteur de cette amitié spirituelle que j’appelle de mes vœux.
Sachez Alexander que ma vie d'aujourd'hui m'est extrêmement précieuse, je l'ai comme "gagnée" à force de prières, de retraites et de méditations.
Il me faut veiller sans cesse sur l'équilibre fragile et précaire que j'ai réussi à atteindre envers et contre tout.
Vous ne me connaissez pas Alexander et je ne vois en vous qu'un homme animé d’un désir ardent, celui de me posséder corps et âme.
 D'autres l'ont voulu avant vous, je leur ai préféré la solitude, la paix et l'amitié, c’est du moins ce que j’affiche. Je dois  tout même reconnaître que, même affaibli, vous êtes  un vrai  tigre du Bengale.
Je vous propose mon amitié Alexander, fiable et indéfectible, je vous en fais serment, et vous assure de mes prières pour vous et votre famille. Je sais que vous direz que je suis bouffi e d’orgueil et de prétentions. Je sais que vous avez parlé de quelqu’un qui s’était  servi de  la religion comme un éventail  pour refroidir ses ardeurs  irrépressibles. 
 A bientôt, si je ne tourne pas la page.

Teresa
15 Août 2012