Alexander et
Teresa
Feuilleton été 2012 Episode
27
« Le lit à
baldaquin »
Teresa,
Votre lettre m’a fait l’effet d’une alerte
cyclonique. Je pensais déjà à ces rafales qui allaient secouer les
fondations de ma maison, froisser les tôles de
mon toit, mettre à genoux les bananiers de nos plantations. J’ai cru
qu’il s’agissait là de la menace
d’un ces ouragans puissants d’origine capverdienne. Vous imaginez la
frayeur qui a pu m’habiter. Je me projetais comme ses branches et ses arbres
qui jonchaient le sol après avoir subi
la violence des vents et des
précipitations.
Vous avez oublié que je
suis comme la montagne fumante depuis qu’à ma naissance j’ai été présenté à sa puissance lors de la pleine lune. A
cause de vous, aujourd’hui, je suis un volcan qui pleure car la douleur sort de
mes entrailles. Mes laves vont vous momifier, si vous ne déchaînez pas sur moi
des averses de bonheur tropical.
Trêve de plaisanteries
et de faux-semblants, je ne crois guère à votre indignation. Vous êtes consumé par vos désirs insatisfaits depuis
des lustres. J’ai surpris vos regards
furtifs et concupiscents dans des
lieux et à des moments où comme tout le
monde vous auriez dû avoir les yeux fermés. J’adore faire le clown, ce qui fait gonfler
votre orgueil affamé et vos prétentions carnassières. Alors, vous vous lâchez sur celui qui, apparemment plus
faible, vous apporte une certaine
jouissance, l’orgasme du mépris. Vous comprendrez que, contrairement à
vous, je ne trouve pas opportun
d’étaler « cette profondeur »
, qui, en l’occurrence, mérite plutôt un forage.
Je ne vous pose aucune
question sur votre vie passée mais de
grâce épargnez-moi vos reconstitutions frauduleuses et ridicules de curriculum vitae. Point besoin de faire une concurrence déloyale à
Marie-Madeleine. Ma grand-mère Eléonor morte à 95 ans semblait mieux comprendre
les Saintes Ecritures que vous, plongée
dans des élucubrations académiques. La respectable nonagénaire me disait
que certains fidèles, sans doute illuminés, avaient l’ambition de se
trouver à la droite du Père. Et elle éclatait de rire en ajoutant qu’ils
ne devaient pas réaliser que la place était déjà prise par Jésus Christ.
Je me permets, à l’inverse de vos conseillers patentés et ténébreux, de vous conseiller
un peu d’humilité. Faites le mieux possible sur terre et… avec moi, et nos amis
du Ciel intercéderont pour vous afin de
vous réserver une place confortable. Les médailles et l’argent, les honneurs et
les trésors restent en général hors du cercueil. En conséquence, je préfère vous voir
nue, vous déshabiller au propre et au figuré pour mieux vous dépouiller. Ainsi,
nous pourrons nous retrouver dans le jardin d’Eden.
En vous parcourant de
mes baisers, je vais ressentir l’odeur de la savane, entendre les bruits, les
saveurs, les parfums que mes aïeux ont
connus. Grâce à vous, je veux me bercer dans le placenta de leur histoire.
J’adore quand vous jouez à la négresse sauvage et métissée en parlant comme une
poétesse. Je vais vous apporter moi aussi les condiments de Pondichéry qui sont
dans mes cellules. Je chercherai la source qu’il y a en vous pour me désaltérer. Je serai
votre proie et vous serez la mienne.
Je suis dans mon lit à
baldaquin, là ou votre tête et la mienne se tutoyaient, là où votre visage
caressait le mien, la où vous étiez blottie comme un fœtus en sécurité, là où
nos corps se sont entrelacés, là où vous avez poussé avec moi ce cri d’abandon de soi réveillant les voisins
tout heureux d’entendre le souffle du bonheur. Teresa, Teresa, Ô Teresa, je
lécherai les égratignures de mes mots
avant que je vous dise que je vous aime. Je vous aime alors comme « mon corps. »
Puisqu’ Amour et
Vérité se rencontrent et que Dieu est Amour, je lui demande vous
pardonner de m’interdire de vous parler d’amour. Je vous glisse ma prière
habituelle sous l’oreiller.
Alexander
26 Août 2012
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