jeudi 30 août 2012

Alexander et Teresa "Mon lit à baldaquin"












Alexander et Teresa 
Feuilleton été 2012 Episode 27
« Le lit à baldaquin »

Teresa,

Votre lettre  m’a fait l’effet  d’une alerte  cyclonique. Je pensais déjà à ces rafales qui allaient secouer les fondations de ma maison, froisser les tôles de  mon toit, mettre à genoux les bananiers de nos plantations. J’ai cru qu’il s’agissait là de la menace  d’un  ces ouragans puissants  d’origine capverdienne. Vous imaginez la frayeur qui a pu m’habiter. Je me projetais comme ses branches et ses arbres qui jonchaient le sol  après avoir subi la violence des vents et  des précipitations.

Vous avez oublié que je suis comme la montagne fumante   depuis  qu’à ma naissance j’ai été présenté   à sa puissance lors de la pleine lune. A cause de vous, aujourd’hui, je suis un volcan qui pleure car la douleur sort de mes entrailles. Mes laves vont vous momifier, si vous ne déchaînez pas sur moi des averses de bonheur  tropical.
Trêve de plaisanteries et de faux-semblants, je ne crois guère à votre indignation. Vous êtes  consumé par vos désirs insatisfaits depuis des lustres. J’ai surpris vos regards  furtifs et concupiscents  dans des lieux et à des  moments où comme tout le monde vous auriez dû avoir les yeux fermés. J’adore faire le clown, ce qui  fait gonfler  votre orgueil affamé et vos prétentions carnassières. Alors, vous  vous lâchez sur celui qui, apparemment plus faible,  vous apporte une certaine jouissance, l’orgasme du mépris. Vous comprendrez que, contrairement à vous,  je ne trouve pas opportun d’étaler  « cette profondeur » , qui, en l’occurrence, mérite plutôt un forage.

Je ne vous pose aucune question sur votre vie  passée mais de grâce épargnez-moi vos reconstitutions frauduleuses et ridicules  de curriculum vitae. Point besoin de  faire une concurrence déloyale à Marie-Madeleine. Ma grand-mère Eléonor morte à 95 ans semblait mieux comprendre les Saintes Ecritures que vous, plongée  dans des élucubrations académiques. La respectable nonagénaire me disait que certains  fidèles, sans doute  illuminés, avaient l’ambition  de se  trouver à la droite du Père. Et elle éclatait de rire en ajoutant  qu’ils  ne devaient pas réaliser que la place était déjà prise par Jésus Christ. Je me permets, à l’inverse de vos conseillers patentés et ténébreux, de vous conseiller un peu d’humilité. Faites le mieux possible sur terre et… avec moi, et nos amis du Ciel intercéderont pour vous  afin de vous réserver une place confortable. Les médailles et l’argent, les honneurs et les trésors restent en général hors du  cercueil. En conséquence, je préfère vous voir nue, vous déshabiller au propre et au figuré pour mieux vous dépouiller. Ainsi, nous pourrons nous retrouver dans le jardin d’Eden.

En vous parcourant de mes baisers, je vais ressentir l’odeur de la savane, entendre les bruits, les saveurs, les parfums  que mes aïeux ont connus. Grâce à vous, je veux me bercer dans le placenta de leur histoire. J’adore quand vous jouez à la négresse sauvage et métissée en parlant comme une poétesse. Je vais vous apporter moi aussi les condiments de Pondichéry qui sont dans mes cellules. Je chercherai la source qu’il  y a en vous pour me désaltérer. Je serai votre proie et vous serez la mienne.

Je suis dans mon lit à baldaquin, là ou votre tête et la mienne se tutoyaient, là où votre visage caressait le mien, la où vous étiez blottie comme un fœtus en sécurité, là où nos corps se sont entrelacés, là où vous avez poussé avec moi ce  cri d’abandon de soi réveillant les voisins tout heureux d’entendre le souffle du bonheur. Teresa, Teresa, Ô Teresa, je lécherai les égratignures de mes mots  avant que je vous dise que je vous aime. Je vous aime alors  comme «  mon corps. »
Puisqu’ Amour et Vérité  se rencontrent et que Dieu est Amour, je lui demande vous pardonner de m’interdire de vous parler d’amour. Je vous glisse ma prière habituelle sous l’oreiller.

Alexander
26 Août 2012



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