Alexander & Teresa
Feuilleton été 2012
Episode 19
Le ballet des étoiles
Alexander revient d’une mission à l’étranger. Il ressent profondément l’absence de Teresa. Alors qu’il s’endort, il a cette sensation de quitter son lit comme un oiseau.
Teresa, Teresa, Ô Teresa,
Je dors seul à des milliers de kilomètres de toi mais mon âme s’échappe par la fenêtre ouverte de ma chambre pour aller te rejoindre au clair de lune et te sortir de ton lit. Te voilà partie avec moi et je te ramène près de mon volcan à moi sur mon île qui ressemble à un papillon dans la mer des Caraïbes.
Je t’emmène aux Carbet près de la Soufrière mais faisons un petit tour à Capesterre-Belle-Eau. C’est là où je suis né, rappelle –toi, et où Christophe Colomb a débarqué.
Nous voilà sautillant de roche en roche pour traverser la rivière et cueillir des mangues que j’aime tant. On dit que Bouddha avait reçu de la courtisane d’Ambapali un verger de manguiers pour y méditer et vraisemblablement pour gagner aussi sa vie. La mangue a suivi Bouddah un peu partout dans le monde.
Les mangues qui se ramollissent sont charnues et, fermes d’apparence comme tes seins. Petite morsure, puis tu fais un suçon, et la mangue mûre va fondre dans ton palais. Sa chair jaune foncé à un goût de pêche et de fleurs. En la mangeant à deux, tu pourras avec moi lécher le noyau et ensuite t’occuper de mes lèvres qui te donnent le frisson. Tout s’arrête d’être en transe autour de nous et l’eau qui coule de la rivière vient couvrir nos ébats. Nous voilà entrelacés sur deux feuilles de bananier. Tu n’es plus aussi obscure que quand tu me parles au téléphone. Tu es libérée de tes contraintes diurnes de l’autre monde qui t’emprisonne. Mes doigts glissent sur ta peau aussi lisse que cette mangue que tu tiens des deux mains. Ils finissent par trouver les aisselles qui te chatouillent. Eclats de rire dans cette nuit bleutée .Deux oiseaux nous poussent au chuchotement avec deux battements d’ailes stressées.
La lune donnait des reflets argentés à l’eau qui jaillissait de la montagne et qui serpentait la vallée. Là haut, au dessus des chutes du Carbet, se trouve la Soufrière. La dernière fois qu’elle s’est fâchée, elle nous a crachoté des cendres. Les gens ont dû fuir de l’autre côté de l’île, plus plat et moins volcanique.
J’habite en amont de cette Grande Rivière. C’est là que je pense à toi sous les bananiers qui m’abritent. Je me laisse griser par la l’alizé qui sèche à la fois ma sueur et mes larmes. Je sais que tu n’aimes pas que mes yeux soient empreints de tristesse. Comme tu le dis si bien, les prières d’un homme triste ne montent pas au ciel. Et toi, tu comprends un peu que je brûle d’envie de te prendre dans mes bras ?
Regarde ici autour de nous, tu les as tous conquis. Les bambous se mettent à danser. Les étoiles nous font un véritable ballet dans la voie lactée. Les feuilles du bananier et du cocotier frétillent d’impatience. Le prunier d’Espagne, le mombin fait chalouper les hanches de ses branches et exhale un parfum qui avec le rhum nous jettera dans l’ivresse.
Le Carbet est déjà avec les chutes en plein orgasme avec la Soufrière qui s’ouvre au ciel. C’est l’heure de rentrer avant l’aube car les nuits sont courtes. Nos corps inanimés nous attendent dans nos lits. Ce fut une belle balade.
31 Mars 2011
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