vendredi 10 août 2012

Alexander et Teresa "L’île de La Pwofitasyon"


"L’île de La Pwofitasyon » dans Alexander et Teresa
Feuilleton été 2012 épisode 10

Couché sur son lit d’hôpital, Alexander est emprisonné par ses électrodes et connecté à de nombreuses machines qui écoutent son corps. Sa ...nuit est rythmée par les cris douloureux d’autres malades. Il lui reste un grand écran, le plafond de sa chambre qu’il va meubler de ses souvenirs de la grève générale de 44 jours qui avaient bloqué son île , connue sous le nom « la Pwofitasyon ». Rétrospective solitaire.

« l’île de la Pwofitasyon »

Dès le mardi 20 janvier, premier jour de l'appel à la grève générale lancé par le comité contre la Colonisation Durable 
( LE CCD), le mouvement est largement suivi. Il s’intensifie au fil des jours et, dans l’archipel en ébullition, un homme Elie GROMOTEUR va incarner le ras le bol général. Les manifestants ont un slogan qui fait mouche et un refrain qui ponctue leurs défilés : « Karukéra sé tan nou, Karukéra a pa ta yo, yo péké fè sa yo vlé an péyi en nou Karukéra nous appartient, la Karukera ne leur appartient pas, ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays).
La situation dégénère. Des voitures sont incendiées, des pompiers et des policiers pris à partie. Un automobiliste fonce sur un gréviste, la distribution en eau potable est sabotée à certains endroits, un ambulancier se fait agresser. Les incidents se multiplient. Les forces de l’ordre renforcent leur présence sur le terrain tout en faisant preuve de maîtrise et de vigilance. Leur présence irrite les manifestants qui eux aussi ont leur service d’ordre.

Le gouvernement central attend deux semaines pour dépêcher sur place Vonvon Jailo, le gouverneur des colonies . Arrivé le dimanche de carnaval pour trouver des solutions à la grève générale, Vonvon Jailo prend le temps « d’écouter » pendant quatre jours les différents acteurs avant d’entamer les premières négociations. Après quelques jours les négociations sont sur le point d'aboutir, mais le gouverneur, comme un ambassadeur en terre étrangère, est rappelé en urgence par Matignon. Les représentants du de la classe possédante s’inquiètent pour leur sécurité. Ils alertent les poids lourds du patronat de la métropole , qui tirent la sonnette d’alarme à Paris. Les chefs locaux se sont sentis « humiliés » par Vonvon Jailo qui aurait plié devant le collectif en acceptant la plupart de leurs revendications.

De retour à Paris, Vonvon Jailo doit pratiquement se mettre à genoux devant le Cardinal, occupé à préparer un sommet social sur l’emploi et le pourvoir d’achat prévu dans la semaine de la fête nationale. Le Cardinal y perd son latin et reproche donc à son gouverneur d'avoir donné son accord à un abaissement des charges des entreprises pour satisfaire la demande d’une hausse de 200 dollars des bas salaires, devenue le cheval de bataille du CCD. L’agenda social du Roi rend un tel engagement inopportun et le Cardinal redoute la généralisation de cette mesure salariale en outre-mer. Tout compte fait, Vonvon Jailo avec une facture lourde à payer. Le Cardinal a donc opposé une fin de non-recevoir à la demande du patronat de Karukera de voir le Royaume financer la hausse réclamée de 200 euros sur les bas salaires. Il n'est pas question de placer l'économie de Karukéra une nouvelle fois sous perfusion.

Vonvon Jailo cherche à revenir en Guadeloupe le plus tôt possible mais le Cardinal a repris la maîtrise du dossier. Le gouverneur donne l’impression d’avoir compris la nature du conflit, "l'âme" de Karukéra. Il évoque une situation « insurrectionnelle » sur place mais il ne semble pas convaincre. En Karukera, le départ précipité du gouverneur a suscité un certain émoi car il a été vécu comme un affront. Le Cardinal veut calmer les tensions et nomme deux médiateurs qui repartent pour Pointe-à-Pitre avec le gouverneur.

Du côté des manifestants, la mobilisation est à l’image de la flamme olympique. Elie GROMOTEUR, dirigeant et porte-parole du collectif CCD (regroupant syndicats insulaires, organisations politiques et associations), annonce la poursuite et « le renforcement » de la grève générale. Et après Karukéra, Vonvon Jailo devra également se pencher sur le cas de la Madinina, l’île sœur, à son septième jour de grève générale. Il est vrai, les revendications sont sensiblement les mêmes qu’en Karukéra : hausse des salaires, baisse des prix à la consommation... Le gouverneur doit revenir à Paris au plus tard le vendredi pour le conseil de la Couronne. Dès son retour aux Antilles , Von Jailo assure que le Royaume mobilisera près de 200 millions de dollars pour la mise en œuvre de tous les points évoqués dans les négociations. Trois jours après son arrivée toujours en plein carnaval, un document va mettre le feu aux poudres. Il s’agit d’une note établie à l'attention du gouverneur sur la fixation des prix du carburant aux Antilles et en Guyana. Dans cette note, les compagnies pétrolières sont accusées de s'enrichir parfois «sans cause» sur le dos des consommateurs. Les confettis de l’Empire seraient prêts à s’embraser. Alexander repart pour la métropole. Teresa originaire de l’île sœur rentre elle aussi à Paris pour assister à un séminaire sur la bioéthique.
La situation aux Antilles mobilise en métropole. Pour soutenir les manifestants aux Antilles, entre 10.000 et 30.000 personnes (selon la police et les organisateurs), la plupart d'origine antillaise, défilent à Paris de la place de la République à celle de la Nation. A Nantes, il y a 700 manifestants, une centaine à Strasbourg et quelques 200 à Lyon, Lille, Rennes et Limoges. Environ 500 personnes se rassemblent à Marseille comme à Toulouse.
En Karukera, à Petit Canal, à une trentaine de kilomètres de Pointe-à-Pitre, la capitale.le 22 février, plus de 3.000 personnes participent aux obsèques d’un syndicaliste tué lors des manifestations. La Pwofitasyon a désormais un martyr.


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