vendredi 10 août 2012

Alexander et Teresa "Mangologie tropicale"





Alexander et Teresa
feuilleton été 2012 
 Episode 11
"Mangologie tropicale"


Alexander se souvient des discussions qu’il avaient eues au téléphone avec Teresa pendant la période du Mardi Gras, l’année précédente. Teresa évoque sa relation avec Dieu en disant « Lui » et Alexander croit qui s’agit de « Luis » (... qu’il prononce aussi Lui car il ne connaît pas l’espagnol) un rival. L’échange est désopilant. 

« Mangologie tropicale »

Alexander - Je suis sur la route de la paix et du bonheur. Mon appartement s'appelle " the House of Happiness", la Maison du bonheur . J'adore faire l'amour avec votre esprit et avec vos prières en stéreo. Hier, dans la nuit où nos âmes se promenaient ensemble, vous m'avez apporté un vrai moment de bonheur. Votre visage s'est ensoleillé, révélant sa beauté et celle de votre âme.
( Il y a un décalage horaire de 6h entre Paris et les Antilles)

Teresa-La journée n'est pas encore terminée pour moi, même si je voudrais bien aller me coucher. J'ai été appelée aux pompes funèbres pour un décès à 01H30 et ensuite j’ai été réveillée à l'aube par un vidé en pyjama « lévé. » Ce sont là quelques prémisses de Carême avec l'appel dans l'Evangile du jour au jeûne et à la prière pour engager la lutte sur le plan spirituel.

Alexander- Dieu vous a donné un esprit qui ressemble à un corps sur un plateau. Ne négligez pas "la Parole de Dieu". Vous m'offrez des lèvres que vous libérez mais vous voulez en gardez les clés. Vous me décevez un peu. Je ne suis pas sorti depuis que vous m'avez parlé vendredi soir mais vous ne m'avez posé aucune question. Vous avez un moine et vous lui demandez de le devenir. Comment un moine peut-il se transformer en moine? J'ai déjà fait mon carême avec vous.
(Teresa tout en l’écoutant et vaquant à ses occupations dans son appartement avec son portable, lève les yeux au plafond : Seigneur, c’est vrai, il est brillant mais remettez le sur les rail , s’il vous plaît .")

Teresea-. Vous pouvez faussement me trouver fascinante. Je suis le messager de celui qui est Adorable. Je ne suis pas adorable comme vous ne cessez de me le décliner tous les jours. On peut donc se tromper et confondre le messager et le message, ce que vous faites allègrement. L’erreur pour moi serait de vous laisser vous arrêter à ma personne et de pas vous en montrer le Noyau.
( Alexander allongé sur sofa, fronce les sourcils et se dit « Seigneur , elle a besoin d’une bonne consultation chez un psy et de votre secours … immédiat ! »)

Alexander- Oh oui, c’est tout ce que je souhaite! Que ce noyau me soit ouvert quand j’aurai bien léché ma mangue, mordillé le fruit. Dans ce cas, ma langue est à la fois le message et le messager…et je suis sûr que vous allez le sentir et car j’ai la pratique de la mangue. On pourrait dire, pourquoi ne pas inventer une nouvelle expression? « la mangologie tropicale. »

Teresa. – En effet, ça promet ! Qu'est-ce la douceur de votre langue, l’épaisseur d’un amour humain en regard de son amour à lui ? Il réclame bien davantage de nous, en tout cas de moi. Nous ne devons pas fuir la croisade. Je vous l'ai déjà dit cependant. Je comprendrai si vous refusez de me suivre sur ces voies-là car vous ne pourrez tenir si vous n'acceptez pas par avance la solitude, le désert et la souffrance elle-même. C'est notre "oui" qui seul peut ouvrir les écluses du ciel et nous donner les grâces qui nous nous sont utiles pour répondre malgré nos faiblesses à son appel exigeant.
(Alexander écarquillant les yeux, sent monter sa pression artérielle : « De qui parle-t-elle ? C’est la catastrophe ! Elle a un autre mec … en plus elle me donne son nom : Luis! »

Alexander : Pour la croisade, j’ai toujours été d’accord. Je n’étais pas très fort en histoire au collège mais je me souviens des croisades. J’avais eu A+ parce que j’avais été le seul à avoir voir trouvé que Charles Martel avait arrêté les Arabes à Poitiers en 732. A l’époque, on n’avait pas fait de la prospective. Poitiers aurait été de nos jours la place financière mondiale avec les pétrodollars. Aujourd’hui, ce sont eux qui ont le pétrole et c’est nous qui consommons. Quand vous avez le pétrole plus un Dieu, ça dépeuple d’autres lieux et temples. En France, vous avez intérêt à dire que vous avez un ami qui fait le ramadan, c’est politiquement correct. Pour les Noirs, ça ne rapporte pas gros ou du moins il ne faut pas le dire, ça fait désordre sur le plan politique. C’était le commerce triangulaire. Avant les Noirs étaient dans le triangle mais de nos jours ils sont partout. Depuis la loi Taubira, ils ont même un ministre noir qui peut vous mettre en prison. C’est une amie d’ailleurs, je la connais et nous avons en commun l’héritage de la plantation. En un mot, vous « travaillez comme un nègre » (expression à ne pas répéter, s’il vous plaît) mais ce sont les autres qui en profitent. Les temps changent : il y Mandela, Obama , et pour l’instant, en France, nous avons Taubira. Christiane et moi, nous traversions le fleuve à la nage. Je peux vous dire que même les piranhas ne s’approchaient pas d’elle.


Teresa- Alexander ! vous avez une imagination débridée et une telle ignorance des Ecritures ! Comment envisager de former un couple bâti sur des fondements inébranlables, des sacrements. Je vous parle de Lui et vous voyagez dans la botanique tropicale et vous me faites un cours, plus que sommaire, de sociologie politique avec vos immigrés. Le Carême arrive, préparez vous à en souffrir comme lui !


Alexander - Teresa, je voudrais pouvoir envisager avec vous une relation de pleine jouissance à géométrie variable et à développement durable. Et vous voulez me faire souffrir ? C’est quoi votre problème ? Quand on dit oui, vous dites non … et quand on dit que vous avez dit oui, vous dites : « je ne m’en souviens pas. »


Teresa -Alexander, bonne nuit car je crois que vous avez eu une longue journée. Ce que vous devez savoir c’est qu'il en est un qui m'aime plus que vous et plus que n'importe qui.


Alexander - C’est du chantage. C’est normal qu’il vous aime plus, puisque vous lui en donnez plus. Vous multipliez les cérémonies auxquelles je dois assister et je dois toujours me mettre à genoux mais pour Luis vous levez les mains et les yeux au ciel. C’est cela la différence : vous ne me regardez pas dans les yeux. Vous fuyez la sensation de ce regard qui vous lèche et vous n’aimez pas me voir manger une mangue.

Teresa - Alexander vous me semblez parfois un peu « roots » vous faites un peu Jamaïcain. Me serais-je trompé sur votre cas ?
Alexandre : Madame, ( pause : Alexander se dit en lui-même :« j’ai bien envie de dire Pétasse ») ... Madame, vous êtes sur le chemin d’un mauvais diagnostic. Merci d’écouter cette information essentielle concernant mon état civil : je suis né à quelques encablures de la plantation. Je sais que vous êtes bardée de diplômes mais dois-je souligner que « en-ca-blu-re » c’est une ancienne mesure de longueur d’environ 200 mètres . En conséquence de quoi, vous comprenez que mes parents m’ont évité d’être marqué par les effets pervers du néocolonialisme au quotidien. 200 mètres c’est assez loin pour un cordon sanitaire. Vous concernant, je m’interroge : auriez-vous hérité de ce complexe de Joséphine de Beauharnais, le femme qui a fait faire des bêtises à Napoléon sur le Code Noir ? Je vous conseille vivement de me faire des excuses car je vais me plaindre auprès de la Ligue des fils et filles des descendants d’esclaves. N’oubliez pas de leur dire qu’ils sont « roots » … il y aura des manifestations dans votre île et partout où il y a des Noirs. Acceptez donc ma « mangologie tropicale », cela vous rapprochera de moi donc de la plantation…à quelques encablures !



(Alex J. URI
Février 2011)

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