samedi 30 juillet 2011

"PLAGE"

                                                  
«  Plage »


Dans les bananeraies, j’entends chuchoter les  feuilles. Les bananiers ont souvent  les bras levés vers le ciel. Fragiles à l’onde tropicale la plus capricieuse,   ils implorent  tous les dieux pour se protéger des vents  qui les désarticulent. Leurs tiges altières déploient en spirale des feuilles droites et retombantes  bercées par un alizé, courtisan assidu et  facétieux. Du haut de la colline, je vois onduler une sorte de chevelure verte qui se fond dans la crinière frisée  de mer des Caraïbes.



Comme tu  as souvent le don de tutoyer la nature, tu m’as toi-même proposé de me faire caresser par les flots argentés et de voir à la fois  mourir et ressusciter à  mes pieds les écumes de la mer.

Près du volcan, tu m’as dit que tu voulais te transformer en une plage pour  m’accueillir. Puis-je donc venir sur  ta  « plage » toucher les galets, mettre ma joue sur ton sable afin de mieux évaluer les origines minérale et organique de cet espace ? Bien évidemment, ton pseudonyme évoque de nombreuses images de détente et de plaisir mais aussi d'horizon et de profondeur.

Une plage est par essence ouverte  et en général accueillante et apaisante. Les plages sont souvent naturelles mais elles peuvent être aussi artificielles. Alors, il s'agit de bien les sonder pour mieux les sentir, égrener le sable avec ses doigts. Sentir sa main, ses doigts s'enfoncer dans le sable donne l'impression de pénétrer la nature et de pouvoir la modeler. Avec le sable sur la plage, on peut en marchant avoir le geste auguste du semeur. L’essentiel est de semer le bon grain là où il y a la bonne terre. Après m’être saupoudré de  ton sable ambré et scintillant,  je  voudrais plonger avec toi  dans la mer qui m'attend.




Je suis un « red  snapper » un Vivaneau. Il paraît qu’une femme câpresse a accouché d’un enfant portant  une tâche rouge sapotille en forme de vivaneau. C’était la marque d’un désir insatisfait pendant sa grossesse. Un jour,  elle a attendu en vain   à déjeuner  son mari et  n’a pas eu  ce même jour, à cause du mauvais temps,   des vivaneaux qu’elle désirait tant manger avec une sauce pimentée . Le désir a donc laissé une empreinte durable sur le corps du bébé.  Le vivaneau  est   un poisson rouge d’Afrique et des Antilles  qu’on peut manger  en grillade, en papillotte, en blaff  . Je te  donne la recette d'un court-bouillon à l’antillaise. A l’image cette Antillaise,  tu pourras rêver de me  déguster et m’avoir en toi. Ah ah ah ! ah ah ah !
Fais mariner (dans un mélange de jus de citron, de piment, d'ail, de sel, de poivre et d'eau)  le poisson bien nettoyé et coupé en morceaux pendant une bonne heure.
Dans une casserole, fais revenir dans un peu d'huile les cives, l'oignon émincé, le persil finement haché, le thym, les tomates épépinées et coupées en quartiers et colore avec du beurre rouge ou du concentré de tomates.
Ajoute une cuillère à soupe de farine et remue vivement, mouille d'un demi verre d’eau.
A la première ébullition, ajoute le poisson, arrose avec quelques cuillères de jus de la marinade et recouvre d'eau. Laisse à feu doux environ vingt minutes
En fin de cuisson, ajoute deux gousses d'ail écrasées, le jus de deux citrons, du sel, du poivre et du piment à ton goût. Nous sommes en fin de cuisson. Tout cela est très bon. Ce poisson  ira donc dans tes profondeurs insondables.


-« Alejo, j'ai choisi la plage car c'est un espace de liberté je m'y sens heureuse  et les horizons, celui que je vois là bas  et celui qui est en toi me ravissent. C’est aussi cela   les  vacances »
-« Plage , il ne me reste plus qu’à te demander de devenir sirène pour que,  par un coup de baguette magique, mes rêves se muent en réalités. »

Je quittai Plage   et j’ai eu un tête à tête avec bananier.  « Je suis une plante du paradis perdu » me dit-il. «  En moi, il y a tout ce qui est beau, fragile et instable. Ma tête  meurt  après avoir donné son fruit mais je me  reproduis par les pieds et je refais ma tête ». Le bananier me rappela son  secret d’éternité et que, par  Boudha , il devint le symbole  de la vanité des biens.
© 2011 Alex J. URI       « Plage »  

 



2 commentaires:

  1. Entre la plage, symbole de liberté, le bananier, symbole de fragilité", de grâce et le vivanneau , symbole d'un désir insatisfait, ces trois éléments font de ce poème quelque chose de particulier ou le tout rime avec vacance, beauté, fragilité et renouvellement à l'infini.
    Des compaaisons qui en font sa richesse .
    Nanadydy

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  2. Avec vous Mr URI je redécouvre mon île natale. Votre blog est super intéressant.

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