jeudi 9 février 2012

Cindy LAUPEN-CHASSAY ateliers de la bioéthique

 





Cindy LAUPEN-CHASSAY, Professeur de biologie  
  by Alex J. URI Rédacteur  en chef,
 direction régionale de l’Information France Télévisions
Cindy  LAUPEN- CHASSAY  est  professeur de Biologie dans l’enseignement secondaire et supérieur.
Elle intervient notamment  au Collège Lycée Stanislas de Paris et dans une école préparatoire aux concours médicaux et paramédicaux.
 Sa  vie associative illustre bien ses différents engagements. Elle est  Présidente Fondatrice des Ateliers de la Bioéthique.
Elle est  Membre permanent des Etats généraux de l’Outremer et marraine de Réussite cité 93 qui œuvre
 dans l’accompagnement scolaire et social des collégiens. Ses nombreuses interventions montrent qu’elle  est
très  attentive aux faits d’actualité économique et scientifique. Elle est d’ailleurs très active dans  les réseaux sociaux.
1-Alex J. URI  De quoi parle-t-on quand on utilise les mots  « biotique  et bioéthique ? Je m’adresse là à  la Présidente des Ateliers de la Bioéthique.

 Cyndy LAUPEN-CHASSAY -Ces deux termes ont la même source étymologique « bios » (‘la vie’). Pour ma part, on parle de biotique, adjectif très générique, pour qualifier toutes les interactions qui existent entre les êtres ou la matière vivante. On pourrait presque dire que l’analyse des facteurs biotiques (l’homme sur les végétaux, par exemple) est la base de la réflexion et des préoccupations écologiques.

La bioéthique s’intéresse, quant à elle, plus précisément aux enjeux éthiques et moraux de recherches ou de pratiques scientifiques, médicales,... comme les biotechnologies ou encore le génie génétique, impactant ou manipulant le monde du vivant. La sensibilisation dans ce domaine est l’un des fondements de notre association « les ateliers de la bioéthique »

2- AJU-   Votre cursus universitaire  vous a-t-il  rendu plus sensible  aux enjeux de la bioéthique ?
CLCH – En effet, mon cursus universitaire était déjà très orienté sur la recherche scientifique en biochimie et en biologie (Maîtrise en biochimie et DEA en biologie et santé). C’est cette appétence qui a déclenché par la suite mon intérêt au questionnement bioéthique.
De plus, j’étais relativement frustrée de constater que les problématiques bioéthiques, qui reviennent de façon sporadique dans l’actualité quotidienne, sont souvent traitées de façon événementielle et nous laissent démunis face à une suite de questions ouvertes. Deux minutes de reportage au journal télévisé ne suffiront jamais lorsqu’il s’agit de transmettre toutes les clés pour aborder les enjeux d’un débat bioéthique. Cela m’a donné l’envie de m’impliquer  sur le sujet.

3-AJU  Bien évidemment, deux minutes de reportage dans un journal télévisé c’est peu mais à la fois beaucoup si on veut appeler l’attention des téléspectateurs  sur des priorités à un moment  de grande écoute. Les  talk shows et les autres émissions sont là pour prendre le relais. Cela dit,  la problématique bioéthique  est-elle  de nature à interpeller tous les scientifiques ?



CLCH- Si l’on considère que la plupart des sciences peuvent avoir un impact direct ou indirect sur le vivant, j’estime que la majorité de la communauté scientifique peut se retrouver, un jour ou l’autre, face à une problématique bioéthique.
Il faut également insister sur le fait que la bioéthique dépasse le cadre de la déontologie ou des codes éthiques de certaines professions. Pour être pertinente dans son approche, elle doit aussi impliquer les réflexions et les analyses de spécialistes non scientifiques (juristes, philosophes,…).



4-AJU.  A quoi servent ces ateliers de bioéthique ? Voulez-vous former des spécialistes chez les citoyens ou tout simplement  renforcer une certaine vigilance sur ces questions ?
CLCH. De façon modeste, nous suivons un objectif pédagogique. Nous souhaitons apporter au plus grand nombre des outils et une sorte de méthodologie pour aborder les réflexions bioéthiques : veille sur les innovations médicales et biotechnologiques (dont une partie passe inaperçue dans le flot quotidien des actualités), documentation, prise de connaissance d’analyses et de positions diversifiées pour que chacun puisse se construire une opinion fiable et éclairée.
Pour exemple, un récent sondage, mené par OpinionWay auprès de 1.000 personnes, montre que le dispositif lié à l’encadrement de la fin de vie est encore mal connu du grand public: 68% des Français «ne savent pas qu'il existe une loi interdisant l'acharnement thérapeutique», et globalement plus d'un sur deux (53%) s'estime «insuffisamment informé sur les soins palliatifs».

5- Quelles sont les passerelles  entre le scientifique, le politique et la société civile  dans cette  réflexion bioéthique ?

CLCH-Nous avons à faire à une chaîne de responsabilité dont les décisions et actions de chacun construisent le cadre bioéthique dans lequel nous vivons.
La communauté scientifique apporte de nouvelles possibilités en matière de pratique médicale ou d’innovations biotechnologiques. La société civile intervient à son tour pour exprimer avec force des besoins issus de problématiques sensibles auxquelles elle est confrontée. Les politiques, eux, ont en charge la lourde tâche de réconcilier besoins et solutions dans un dispositif législatif permettant d’éviter le maximum de dérives.

La réflexion bioéthique doit pouvoir apporter un éclairage dépassionné auprès de chacun de ces acteurs et contribuer ainsi à définir le chemin à emprunter, balisé avec les repères les plus justes et pertinents possibles.

6- AJU-Le principe de précaution est souvent mis en avant pour prévenir des risques potentiels ? Est-il efficace dans le cadre de la bioéthique ?
CLCH. En bioéthique, il existe deux piliers sur lequel peut s’appuyer le principe de précaution : la prévention des risques, lorsque l’innovation ou la nouvelle pratique fait courir un danger pour autrui, et la réflexion morale, autrement dit les limites éthiques à ne pas franchir. D’ailleurs en France, les avis du CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) font souvent référence aux principes de scientificité (condamnant les manipulations risquées n'ayant pas de fondement scientifique) et de respect de la dignité de la personne humaine
Lorsqu’il est envisagé dans le domaine de la bioéthique, le principe de précaution doit être appliqué de façon suffisamment raisonnable pour être efficace dans la protection qu’il apporte à tous et éviter un étranglement de la recherche scientifique sans laquelle aucun progrès de la médecine moderne ne serait possible. C’est ici que réside toute la difficulté de son exercice.




 7- Alex J.URI  Le contexte international, est-il  un atout ou un handicap  pour maintenir un cadre bioéthique ?
Cindy  LAUPEN CHASSAY-Il faut reconnaître que sans partage de texte de références commun ou sans accords internationaux, les politiques nationales ne peuvent garantir à elles-mêmes un cadre bioéthique applicable intégralement à l’ensemble de leurs citoyens. Je pense que la pression internationale peut être un véritable atout pour harmoniser et élargir l’application de certains principes éthiques liés aux recherches scientifiques et aux nouvelles pratiques médicales.
Le 19 octobre 2005, l’UNESCO a publié une déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme. Le 19 février 2009 a eu lieu la première réunion du dialogue international sur la bioéthique de la Commission Européenne. Les choses se construisent peu à peu…

8-AJU-La question de la révision des lois bioéthiques est-elle toujours d’actualité ? Peut-on s’attendre à d’autres changements après l’élection présidentielle? 
CLCH-Il est vrai que le processus normatif ou législatif n’a pas le même rythme que l’évolution des progrès scientifiques mais il est indispensable.
Lors de la dernière révision des lois de bioéthique qui a eu lieu en 2011, des thématiques importantes telles que le diagnostic prénatal, la recherche sur les embryons et l’assistance médicale à la procréation furent discutées et ont mis en exergue toute la difficulté de trouver un consensus sur ces sujets épineux qui reflètent l’évolution d’une société.
D’ailleurs, de nombreux sondages indiquent que le questionnement des citoyens est permanent.
Un des sujets récurrents est celui de la fin de vie et par voie de conséquences de la légalisation ou non de l’euthanasie en France.
Actuellement, la loi LÉONETTI de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie dispose que le médecin a pour mission de sauvegarder la dignité du mourant et d'assurer la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs. A la demande du patient, elle autorise les équipes médicales, conformément au code de déontologie, de ne pas poursuivre des actes et traitements par une obstination déraisonnable.
Ceci semble être contesté par la gauche qui souhaiterait légaliser l’euthanasie afin
« que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander (…) à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».
Pour le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy « l'euthanasie légalisée risquerait de nous entraîner vers des débordements dangereux et serait contraire à nos conceptions de la dignité de l'être humain ». 
« La loi Leonetti est parfaitement équilibrée, elle fixe un principe, celui du respect de la vie ».
Nul doute que l’élection présidentielle à venir s’emparera de tous ces sujets.
C’est pourquoi notre mission d’information est primordiale. La réflexion bioéthique se doit d’être proactive, attachée à la veille en portant une attention particulière aux travaux scientifiques exploratoires. Lorsque qu’un nouveau sujet arrive à maturité devant la place publique, le questionnement bioéthique devrait déjà avoir apporté un certain nombre de clés de compréhension, aux citoyens et aux politiques.





1 commentaire:

  1. très intéressant ; cela a le mérite d'être clair et de nous apporter des réponses à des questions que l'on peut se poser. NA

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