Le soleil se couchait doucement sur l’habitation et les hommes fatigués marchaient au ralenti vers leurs cases. Des travailleurs punis par les maîtres taquinaient encore la terre de leurs houx et leurs ombres s’estompaient lentement dans le lointain. Perdue dans ses pensées, la petite câpresse à peau de cannelle balaya les abords de la minuscule case et lava tous ses ustensiles de confiseur. On les voyait briller au clair de lune généreux, éclairant les cocotiers, les caféiers et les vanillés de l’habitation à Cousinière.
Entrée dans la petite case de golette et de paille de canne de six mètres sur trois, une petite bougie de six illuminait le sombre univers de Valérie qui s’inquiétait du retard de ses parents. Des peurs étranges l’envahissaient. L’angoisse de ne plus revoir son père et sa mère l’étreignait brusquement. Dans sa petite tête, elle passait en revue les scénarii les plus catastrophiques.
La porte entrebâillée laissait pénétrer des voix que la brise faisait remonter de la vallée luxuriante. Les cocotiers captaient des rumeurs que les pois doux en fleurs entourant l’habitation transmettaient aux caféiers. Valérie ferma les yeux pour mieux entendre. Dans le lointain, des babillages d’oiseaux accompagnaient le chœur strident des criquets et des grenouilles.
La brise faisait chuchoter les cacaoyers, les pommes roses, les calebassiers et les karatas qui, de jour, se détestaient. Des pas d’animaux en file indienne se précisaient, des pleurs et des cris étouffés s’amplifiaient, des paroles s’entrechoquaient, des flambeaux ambulants se cherchaient, s’alignaient sur les haies de pois doux. Dans le lointain, l’onde amère laissait échapper de ses lèvres argentées un ronflement qui s’affaissait sur le rivage. Soudain, le vent retint son souffle. Les fleurs, les feuilles et les fruits luirent en apesanteur.
La lune passa sous un nuage. Les lucioles s’excitèrent dans un ballet intermittent. Les criquets et grenouilles s’éclipsèrent. Les feuilles du cocotier s’immobilisèrent. Un rat hébété par un tel silence laissa tomber la graine de café qu’il grignotait et renonça à dévorer la pulpe de cerise qu’il s’apprêtait à engloutir. Le volcan ravala son crachat foudroyant.
Un crucifix géant émergea de la plaine. Les gens de Zhabitants, blancs et nègres, que Dieu a faits égauxavaient les yeux braqués vers une mer insondable. Soudain, un bruit extraterrestre déchira l’atmosphère. De mémoire d’Arawak, la rivière du Plessis n’avait jamais entendu cela. Les habitants, descendants d’esclaves, ne s’y trompèrent pas. C’était, à coup sûr, un mauvais présage. Les fils de colons, pris de panique, pensèrent à la malédiction des esclaves torturés et tués par leurs pères. Dans les hauteurs, on disait qu’il s’agissait d’un bruit d’enfer comme si quelqu’un était déjà revenu de ces lieux endiablés. Les pêcheurs parlaient d’un coup de tonnerre étouffé par le rugissement d’une mer déchaînée.
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Sauve qui peut ! , le rongeur laissa rouler sa graine de café, électrisé par tant de décibels, il se transforma en jouet détraqué. Pour se faire l’écho de ce bruit extraordinaire, les habitants ne vous sortaient que des mots qui sonnaient, qui raisonnaient et bourdonnaient.
© Août 2011 Alex J. URI la chute d'une étoile (2) extraits de " la légende de Popo Torrent"
J'aime énormément !!!
RépondreSupprimerBelle balade entre la vie d'antan, la nature et les croyances, on se laisse porter par le récit et en plus les photos de la chute de la rivière et ta photo Alex sont appropriées. Nanadydy
RépondreSupprimerje n'ai jamais eu moi même l'occasion d'entendre ma grand-mère raconter cette histoire.C'est une très belle surprise de pouvoir la découvrir à travers ce blog et bientôt peut-être en roman.Dominique.
RépondreSupprimerMerci de ce voyage a travers vos recits. J'ai de vous lire merci
RépondreSupprimerJaya de
Afrique Azur Magazine