lundi 1 août 2011

La chute d'une étoile (2)







La chute d'une étoile (2)

Le soleil se couchait doucement sur l’habitation et les hommes fatigués marchaient au ralenti vers leurs cases. Des travailleurs punis par les maîtres taquinaient encore la terre de leurs houx et leurs ombres s’estompaient lentement dans le lointain. Perdue dans ses pensées, la petite câpresse à peau de cannelle balaya les abords de la minuscule case  et lava tous ses ustensiles de confiseur.  On les voyait briller au clair de lune généreux, éclairant les cocotiers, les caféiers et les vanillés de l’habitation à Cousinière.  

 Entrée dans la petite case de golette et de paille de canne de six mètres sur trois, une petite bougie de six illuminait le sombre univers de  Valérie qui s’inquiétait du retard de ses parents. Des peurs étranges l’envahissaient. L’angoisse de ne plus revoir son père et sa mère l’étreignait brusquement.  Dans sa petite tête, elle passait  en revue les scénarii les plus catastrophiques.

La porte entrebâillée laissait pénétrer des voix que la brise faisait remonter de la vallée luxuriante. Les cocotiers captaient des rumeurs que les pois doux en fleurs  entourant l’habitation transmettaient aux caféiers. Valérie ferma les yeux pour mieux entendre. Dans le lointain, des babillages d’oiseaux accompagnaient  le chœur strident des criquets et des grenouilles.

La brise faisait chuchoter  les cacaoyers, les pommes roses,  les calebassiers et les karatas qui, de jour, se détestaient. Des pas d’animaux en file indienne se précisaient, des pleurs et des cris étouffés s’amplifiaient, des paroles  s’entrechoquaient, des flambeaux  ambulants  se cherchaient, s’alignaient sur les haies  de pois doux. Dans le lointain, l’onde amère laissait échapper de ses lèvres argentées un ronflement qui s’affaissait sur le rivage. Soudain, le vent retint son souffle. Les fleurs, les feuilles et les fruits  luirent  en apesanteur.

La lune passa sous un nuage. Les lucioles s’excitèrent dans un ballet intermittent. Les criquets et grenouilles s’éclipsèrent. Les feuilles du cocotier s’immobilisèrent. Un rat hébété par  un tel silence laissa tomber la graine de café qu’il grignotait et renonça à  dévorer la pulpe de cerise qu’il s’apprêtait à engloutir. Le volcan ravala son crachat foudroyant.

Un crucifix géant émergea de la plaine. Les gens  de Zhabitants, blancs et nègres,  que Dieu a faits égauxavaient les yeux braqués vers une mer insondable. Soudain, un bruit extraterrestre déchira l’atmosphère. De mémoire d’Arawak, la rivière du Plessis n’avait jamais entendu cela. Les habitants, descendants d’esclaves, ne s’y trompèrent pas. C’était, à coup sûr, un mauvais présage. Les fils de colons, pris de panique, pensèrent à la malédiction des esclaves torturés et tués par leurs pères. Dans les hauteurs, on disait qu’il s’agissait d’un bruit d’enfer  comme si quelqu’un était déjà revenu de ces lieux endiablés. Les  pêcheurs  parlaient d’un coup de tonnerre étouffé par le rugissement d’une mer déchaînée.
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Sauve qui peut ! , le rongeur  laissa rouler sa graine de café, électrisé par tant de décibels, il se  transforma en jouet détraqué. Pour se faire l’écho de ce bruit extraordinaire, les habitants ne vous sortaient que des mots qui sonnaient, qui raisonnaient et  bourdonnaient.

© Août 2011   Alex J. URI  la chute d'une étoile (2)  extraits de  " la légende de  Popo Torrent"

 
                                                        Alex J. URI  à Ouidha, Benin

4 commentaires:

  1. J'aime énormément !!!

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  2. Belle balade entre la vie d'antan, la nature et les croyances, on se laisse porter par le récit et en plus les photos de la chute de la rivière et ta photo Alex sont appropriées. Nanadydy

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  3. je n'ai jamais eu moi même l'occasion d'entendre ma grand-mère raconter cette histoire.C'est une très belle surprise de pouvoir la découvrir à travers ce blog et bientôt peut-être en roman.Dominique.

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  4. Merci de ce voyage a travers vos recits. J'ai de vous lire merci

    Jaya de
    Afrique Azur Magazine

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