lundi 13 octobre 2014

Arrêtez de faire le singe en nous proposant des bananes














"Toute ressemblance avec des événements ou des personnes existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence"


"Arrêtez de faire le singe
en nous proposant des bananes"



« Monsieur le Directeur, je voudrais bien vous témoigner tout mon respect avec vos cheveux blancs mais ils ont sales. Ils sont bourrés de préjugés sur mon ascendance et mes compétences. Ils sont infestés de mépris pour mes ambitions légitimes mais, à vos yeux, ridicules. Je suis fatigué de votre paternalisme néocolonial. Bien évidemment, on vous a nommé, me dites vous, pour mettre de l’ordre. C’est une contre-vérité. On n’apprend pas à un singe à faire la grimace ! Vous êtes venu semer la discorde parmi les nègres pour mieux éliminer ceux qui pensent beaucoup trop, ceux qui sont à leur place et qui vous disqualifie dans notre entreprise.
Regardez-moi dans les yeux, Maître (sourire), le nègre vous emmerde ! Au cas où vous ne le sauriez pas, le black qui a écrit cela, c’est un agrégé de grammaire. Il s’appelle Césaire, venu rompre vos césures, pour exprimer sa négritude.
Il est bien noir comme mon père et j’en suis fier. A l’époque vous pourriez dire sans être inquiété « ya bon banania » mais aujourd’hui vous avez intérêt à vous brosser les dents car les bronzés se fâchent et ce n’est pas bon pour la France, des « doigts de l’homme ».
Vous n’allez pas comprendre ce qu’écrit Césaire, parce que vous y êtes insensible. Il vous traumatise et cette prise de conscience des Antilles exprimée, sans tam-tam, fait tout même du bruit dans nos esprits
« Je parle de millions d'hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme. »
C’est par cette citation de Césaire que Frantz FANON commence son livre Peau noire et Masques blancs Il analyse ce que le colonialisme a laissé en héritage à l'humanité, en prenant comme point de départ le rapport entre le Noir et le Blanc. Pour lui, la colonisation a créé une névrose collective dont il faut se débarrasser. Il en décrit le scénario et les moindres caractéristiques pour éveiller les consciences du Noir mais aussi du Blanc.
Dans les damnés de la Terre, Fanon nous dévoile une expérience libératrice : « le colonisé, donc, découvre que sa vie, sa respiration, les battements de son cœur sont les mêmes que ceux du colon. Il découvre qu'une peau de colon ne vaut pas plus qu'une peau d'indigène. C'est dire que cette découverte introduit une secousse essentielle dans le monde. Toute l'assurance nouvelle et révolutionnaire du colonisé en découle. Si en effet, ma vie a le même poids que celle du colon, son regard ne me foudroie plus, ne m'immobilise plus, sa voix ne me pétrifie plus. Je ne me trouble plus en sa présence. Pratiquement, je l'emmerde ».
J’avais peut-être deux ans. Je commençais à peine parler quand il écrivait ces lignes mais à l’école c’était motus et bouche cousue. J’ai eu un autre cousin qui a été déporté puisqu’il voulait en discuter à ses élèves du lycée.

Pour mourir, Missié, on perd son sang avant d’y laisser sa peau.
Le sang de mon cousin et de nos parents, morts dans les grandes guerres, en Indochine, en Algérie, morts pour la grandeur de la France, n’étaient pas noir mais rouge comme le vôtre.
Mon cousin-frère a livré bataille au front en Algérie contre des colonisés comme lui pour qu’il obtienne, dans un cercueil, la légion d’honneur. C’était le prix de sa vie.
Je comprends pourquoi ses anciens combattants des colonies arboraient fièrement leurs médailles. Ils avaient gagné deux fois la liberté sur les champs de bataille sans oublier leur dignité mais ils savaient qu’il fallait encore se battre pour leur respect et celui de leurs descendants.
J’ai vu vos graffitis dans mon bureau ou ceux de vos petits copains me renvoyant chez moi avec le LKP, pour laisser la place à vos amis. Quelle lâcheté ! Les âmes de ceux qui ont sauvé l’honneur de vos mères et des vos grands-mères pourraient bien un jour se mettre en colère.
À l'occasion de la remise solennelle des prix le 1er juillet 1937, au Lycée Carnot de Pointe -à-Pitre, le gouverneur-général Félix Eboué a adressé à la jeunesse d'Outre-mer un discours devenu célèbre « Jouer le jeu » dont voici quelques extraits :
« Jouer le jeu, c'est être désintéressé Jouer le jeu, c'est piétiner les préjugés, tous les préjugés et apprendre à baser l'échelle des valeurs sur les critères de l'esprit. Jouer le jeu, c'est mépriser les intrigues et les cabales, ne jamais abdiquer, malgré les clameurs ou menaces, c'est poursuivre la route droite qu'on s'est tracée. Jouer le jeu, c'est savoir tirer son chapeau devant les authentiques valeurs qui s'imposent et faire un pied-de-nez aux pédants et aux attardés. Jouer le jeu, c'est aimer les hommes, tous les hommes et se dire qu'ils sont tous bâtis sur une commune mesure humaine qui est faite de qualités et de défauts.
Jouer le jeu, c'est mériter notre libération et signifier la sainteté, la pureté de notre esprit... »
…Alors, pauvre Monsieur de la Direction, arrêtez de faire le singe en nous proposant des bananes !
Vous n’arrêterez plus les générations CESAIRE , MANDELA et OBAMA.

Alexander
Les rêveries tropicales d’Alexander 
by Alex J. URI 
Paris le 28 novembre 2013


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