dimanche 5 octobre 2014

L'Outre-mer français et la transition énergétiqe

L'Outre-mer français et la transition énergétique


Ericka BAREIGTS
Députée de la REUNION



Ericka BAREIGTS députée de la Réunion explique les enjeux du projet de loi sur la transition énergétique pour l'Outre-mer à Alex J. URI , rédacteur en chef à France Télévisions.





Alex J. URI
L'Assemblée nationale va examiner ( le 6 octobre 2014) la loi sur la transition énergétique. Cette loi dispose d'un volet outre-mer qui devrait doter les territoires ultramarins de nouveaux outils spécifiques. C'est un peu une révolution car jusqu'à présent, il n'y avait pas de véritable politique énergétique dans ces régions situées aux quatre coins de la planète. Ericka Bareights co -rapporteur de cette loi expose la problématique du changement et revient sur les amendements reflétant les nouvelles ambitions dans cette filière de Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie en coordination avec George PAU-LANGEVIN, la ministre des Outre-mer.


Paris le 1 octobre 2014



1- Alex J.URI. La politique énergétique actuelle est-elle adaptée aux spécificités des régions et territoires français d’Outre-mer ? Vous êtes allée avec une délégation parlementaire en mission. Qu’est ce qui a retenu votre attention ?

-Ericka BAREIGTS -La gouvernance actuelle est le grand mal de la politique énergétique Outre-mer. Trop souvent, les décisions sont prises à Paris, bien loin des réalités et des spécificités locales. C’est la raison pour laquelle nous avons longuement travaillé sur le chapitre 4 du titre VIII du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. 

Ce travail s’appuie particulièrement sur le rapport pour lequel j’ai été missionné sur l’adaptation du droit de l’énergie en Outre-mer. Lors de cette mission, j’ai pu mettre à jour d’importants dysfonctionnements de la politique de l’énergie en Outre-mer. J’ai été interpellée à Maripasoula, en Guyane par le fait que des dizaines de milliers de personnes n’aient pas accès au service public de l’électricité. Ils doivent en effet produire eux-mêmes leur électricité à des prix prohibitifs en achetant du fioul amené en pirogue. Cela n’est pas acceptable, particulièrement pour un département français



2- Alex J. URI . Il s’agit de faire un état des lieux à l’occasion de ce projet de loi sur la transition énergétique. Quelles sont donc les forces et les faiblesses des Outre-mer dans le secteur des ressources énergétiques, de leur gestion et de leur développement ?

Ericka BAREIGTS-Henri Queuille disait : « Il n’y a pas de problèmes qu’une absence de solution ne puisse résoudre ». Pour les Outre-mer, je crois que ce n’est pas tant que nous ayons des faiblesses, mais qu’une mauvaise politique de l’énergie est appliquée. Certes, la topographie, notamment en Guyane et à La Réunion, ne facilite pas l’approvisionnement. Certes, de nombreux petits villages sont éloignés de la côte urbaine dans certains territoires ultramarins. Mais la nationalisation tardive du réseau n’en est-elle pas une cause ? Le défaut de ligne électrique pèse évidemment sur les questions d’approvisionnement et de sécurité du réseau. La dépendance très forte aux énergies fossiles enfin, et donc à l’importation, persiste car nous ne mettons pas en œuvre de politique énergétique alternative. 

Pourtant, nous avons de nombreux atouts à valoriser. Nous disposons d’importants gisements d’énergie renouvelables : la biomasse, l’éolien, le solaire, la géothermie, l’énergie houlomotrice etc. Nous avons aussi une très forte capacité d’innovation, comme le prouvent nos pôles d’excellences, nos Technopoles. Nous devons redonner confiance aux entrepreneurs pour que la croissance verte prospère dans nos départements et s’étende au niveau national, puis international comme au Brésil ou en Afrique. 

3-Alex J. URI. Pour vous, le fond du problème c’est que la politique énergétique est inexistante en outre-mer ? Ce projet de loi, grâce aux travaux de votre commission et à la visite de la ministre Ségolène Royal en Martinique, va donc jeter les bases pour innover ?

Ericka BAREIGTS. La politique énergétique Outre-mer existe, mais elle était mal définie. C’est parce qu’elle en a pris conscience lors de son déplacement en Martinique, que la ministre a annoncé que l’Etat se mobilise pour lancer un appel d’offres pour des installations photovoltaïques de plus de 100 kWc avant la fin de l’année 2014 d’une part, et pour inscrire la priorité de la biomasse en remplacement du charbon dans la future programmation pluriannuelle de l’énergie de Martinique d’autre part. Un appel sera également lancé par la région et le département pour participer au projet « zéro gaspillage, zéro déchets » lancé par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ce sont des mesures comme celle-ci qui permettront à nos territoires d’avancer dans la co-construction d’un projet de société pour la croissance verte. 



4- Alex J. URI. Le marché des énergies renouvelables a-t-il un avenir international dans les Outre-mer ? Peut-il, par exemple, créer des emplois et de la richesse ?

Ericka BAREIGTS Nos potentiels ne sont pas suffisamment exploités, ce qui impacte notre croissance et l’emploi. Selon le pôle de compétitivité réunionnais Témergie, la transition énergétique peut créer 15 000 emplois supplémentaires, rien qu’à La Réunion. 

Le problème avec la gouvernance actuelle, c’est qu’elle ne prend pas en compte les impacts non comptables, qu’ils soient en termes d’emploi, d’autonomie énergétique, d’aménagement du territoire ou encore de santé. 
Par exemple, des centrales à biomasse dans les DOMs permettent de renforcer la filière canne qui est elle-même fortement créatrice d’emplois et participe pleinement à l’aménagement de notre territoire. Forts de notre expérience et de notre savoir-faire, nous pourrons nous étendre au-delà de nos territoires pour créer des emplois et de la richesse, tout en préservant l’écologie. 

5- Alex J. URI. Par rapport à la situation actuelle, que proposez-vous pour que le consommateur ultramarin soit sur un pied d’égalité par rapport au consommateur qui se trouve en France continentale. Dans les perspectives que vous avez recensées, quelle est l’urgence ?
Ericka BAREIGTS . Nous proposons une nouvelle gouvernance pour les Outre-mer. Désormais la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sera co-rédigée par l’Etat et la Région, dans chaque département d’outre-mer autour de volets précisément définis par la loi. Afin de prolonger cette gouvernance rénovée, cette programmation ultramarine sera opposable et servira à la conduite des politiques de l’énergie en Outremer. Nous pourrons ainsi en finir avec les aberrations qu’on a pu voir dans le traitement du projet martiniquais Gallion. 
Aussi, la prise en compte du coût de production spécifique chez nous est actée, ce qui permettra aux projets d’aboutir et aux entreprises de créer des emplois. 
Enfin, la solidarité nationale est maintenue et en conséquence, le principe de péréquation favorisera un prix de l’électricité juste pour nos citoyens et pour le pouvoir d’achat. Tout cela, nous y avons été très vigilants.
Interview Ericka BAREIGTS
Députée de la Réunion
Co-rappoteure Commission économique
sur l’adaptation du droit de l’énergie aux Outre-mer
by Alex J. URI
Rédacteur en chef
Direction de l’Information régionale
France Télévisions




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